3 2 S u p p l é m e n t à l ’H i s t o i r e
fera tout au plus comme fon coufin d’efpèce, & cette
parenté fera déjà du fécond degré ; le mulet qui en
réfultera, participant par moitié de l ’efpèce du père &
de celle de la rhère, ne fera qu’au troifième degré de
parenté d’elpèce avec l’un & l’autre. Dès-lors le mulet
& la mule, quoique iffus des mêmes père & mère, au
lieu d’être frères & foeurs d’efpèce, ne feront parens
qu’au quatrième degré; & par conféquent produiront
plus difficilement entr’eux, que l’âne & la jument qui
font parens d’elpèce au fécond degré. Et par la meme
raifon le mulet & la mule produiront moins aifément
entr’eux qu’avec la jument ou avec 1 ane, parce que
leur parenté d’elpèce n’elt qu’au troffieme degre, tandis
qu’entr’eux elle ell au quatrième ; l’infécondité qui commence
à fe manifefter ici dès le fécond degré, doit être
plus marquée aü troifième, & li grande au quatrième,
qu’elle ell peut-être abfolue.
En général, la parenté d’elpèce ell un de ces myltères
profonds de la Nature que l’homme ne pourra fonder
qu’à force d’expériences auffi réitérées que longues &
difficiles. Comment pourra-t-on connoître autrement
que par les réliiltats de l’union mille & mille fois tentée
des animaux d’efpèce différente, leur degré de pârentéd
l’âne elt-il parent plus proche du cheval que du zèhre!
le loup ell-il plus près du chien que le renard ou le
chacal! A quelle dillance de l’homme, mettrons - nous
les grands finges qui lui reffemblent fi parfaitement par
la conformation du corps ! toutes les elpèces d’animaux
étoient-elles
étoient-elles autrefois ce qu’elles font aujourd’hui ! leur
nombre n’a-t-il pas augmenté ou plutôt diminué ! les
elpèces foibles n’ont-elles pas été détruites par les plus
fortes, ou par la tyrannie de l ’homme, dont le nombre
ell devenu mille fois plus grand que celui d’aucune autre
eljîèce d’animaux puiffans ! quels rapports pourrions-nous
établir entre cette parenté des -elpèces & une autre parenté
mieux connue, qui ell celle des différentes races dans
la même eljièce ! la race en général ne provient-elle pas
comme l’elpèce mixte, d’une difconvenance à l’eljièce
pure dans les individus qui ont formé la première fouche
de la race ! il y a peut - être dans l’elpèce du chien,
telle race fi rare, qu’elle ell plus difficile à procréer
que l ’elpèce mixte provenant de l ’âne & de la jument.
Combien d’autres quellions à faire fur cette feule matière,
& qu’il y en a peu que nous puiffions réfoudre ! que de
faits nous feroient néceffaires pour pouvoir prononcer
& même conjeéturer ! que d’expériences à tenter pour
découvrir ces faits, les reconnoître ou même les prévenir
par des conjectures fondées ! cependant loin de fe
décourager, le Philolophe doit applaudir à la Nature,
lors même qu’elle lui paroît avare ou trop myllérieulè,
& fe féliciter de ce qu’à mefure qu’il lève une partie de
fon voile, elle lui iaiffe entrevoir une immenfité d’autres
objets tous dignes de fes recherches. Car ce que nous
connoiffons déjà doit nous faire juger de ce que nous
pourrons connoître ; l’elprit humain n’a point de bornes^
il s’étend à meffire que l’Univers fe déploie; l’homme
Supplément. Tome I II . E