nourrir; car toutes m’ont paru également farouches. Je
ne doute pas néanmoins de ce que me marque Madame
de Noyan, & d’autant moins que voici un fécond exemple
qui confirme le premier.
M. Giely de Mornas, dans le Comtat Venaiffin,
m’écrit dans les termes fuivans :
U n homme ayant trouvé une portée de jeunes belettes, réfol ut
d’en élever une, & le fuccès répondit promptement à fes foins! Ce
petit animal s’attacha à iu i, & il s’amufa à l'exercer un jour de fête
dans une promenade publique, où la jeune belette le fuivit conftam-
ment, & fans prendre le change pendant plus de fix cents pas, & dans
tous les détours qu’il fit à travers les fpeélateurs. C e t homme donna
enfuite ce joli animal à ma femme. L a méthode de les apprivoifer
eft de les manier fouvent en leur palfant doucement la main fur
le dos, mais aulfi de les gronder & même de les battre fi elles
mordent. Elle eft comme la belette ordinaire & le rouflelet, roufle
fupérieurement & blanche inférieurement. L e fouet de la queue
eft d’un poil brun approchant du noir; elle n’a que cinq femaines,
& j’ignore fi avec l’âge ce poil du bout de l'a queue ne deviendra
pas tout noir. L e tour des oreilles n’eft pas blanc comme au rouf-
felet, mais elle a comme lui l’extrémité des deux pattes de devant
blanches, les deux de derrière étant rouftes même par-deflous. Elle
à une petite tache blanche fur le nez , & deux petites tâches rouftes
oblongues, ifolées dans le blanc au-d'eflons des yeu x, félon la
longueur du mufeau. Elle n’exhale encore aucune mauvaife odeur,
& ma femme qui a élevé plufieurs de ces animaux, aftùre qu’elle
n’a jamais été incommodée de leur odeur, excepté les cas où quelqu’un
les excédoit & les irritoit. On la nourrit de la it, de viande
bouillie & d’eau ; elle mange peu & prend fon repas en moins de
quinze fécondés; à moins qu’elle n’ait bien faim, elle ne mange
pas le miel qu’on lui préfente. Cet animal eft propre, & s’il dort
fur vous, & que fes befoins l’éveillent, il vous gratte pour le
mettre à terre.
Au furplus cette belette eft très - familière & très-gaie; ce n’eft
pas contrainte ni tolérance, c’eft plaifir, goû t, attachement. R e chercher
les carefles, provoquer les agaceries, fe coucher fur le dos,
& répondre à la main qui la flatte de mille petits coups de pattes
& de dents très-aiguës, dont elle fait modérer & retenir l ’impreflion
au fimple chatouillement, fans jamais s’oublier; me fuivre partout,
me grimper & parcourir tout le corps; s’infinuer dans mes
poches, dans ma manche , dans mon fe in , & d e-là m’inviter au
badinage, dormir fur moi, manger à tàble fur mon aflîette, boire
dans mon gobelet, me baifer la bouche & fucer ma falive qu’elle
paroît aimer beaucoup. ( Sa langue eft rude comme celle du chat).
Folâtrer fans cefle fur mon bureau pendant que j’écris, & jouer
feule & fans agacerie ni retour de ma part avec mes mains & ma
plume: voilà la mignarderie de ce petit animal..............Si je me
prête à fon jeu, il le continuera deux heures de fuite & jufqu’à
la laflitude (a ).
Par une fécondé lettre de M. Giely de Mornas, du
iy août 1 7 7 5 , il m’informe que fa belette a été tuée
par accident, & il ajoute les obfervations Suivantes :
1 . ° Ses excrémens commençoient à empuantir le lieu où je la
logeois; il faut y appofer beaucoup de foins & de propreté, & la
nourrir plus fouvent d’oeufs ou d’omelette aux herbes que de viande.
2. ° II 11e faut pas la toucher ni la prendre pendant qu’elle prend
fon repas, dans ce court intervalle elle eft intraitable.
3 .0 Elle me faigna des pouflins qu’on avoit placés à fa portée par
inadvertance, mais elle n’a jamais ofé attaquer de front de gros
poulets que j’engraiflois en cage; ils la harceloient & la mettoient
(a) Lettre de M. Giely à M. de Biiffon, Mornas, 16 juin 1775,