le mordre à deux fois dans la cuiffe, ce qui l’a tenu au lit fix femaines
par les incifions confidérables qu’on a été obligé de faire.
Dans ma réponfè à cette lettre, je faifois mes remer-
cîrnens à M. de Boifly, & j’y joignois quelques réflexions
pour éclaircir les doutes qui me refloient encore. M. le
marquis de Spontin ayant pris communication de cette
réponfè, eut la bonté de m’écrire lui - même dans les
termes fuivans t
Nanmr, le 1 4 juillet 1 7 y 3. J ’ai Iû avec beaucoup d’intérêt
les réflexions judicieufes que vous faites à M. Surirey de B oifly,
que j’avois prié de vous mander pendant mon abfence, un évènement
auquel je n’ofois encore m’attendre, malgré la force des-
apparences, par l’opinion que j’avois & que j’aurai toujours comme
le refle du monde, de l ’excellence & du mérite des lavans Ouvrages
dont vous avez bien voulu nous éclairer. Cependant, foit l’effet du;
hafard ou d’une de ces bizarreries de la Nature, qui1, comme vous
dites, fe plaît quelquefois à fortir des règles générales, le fait eft
incomcftab le, comme vous allez en convenir vous-même, fi vous
voulez bien ajouter foi à ce que j’ai l’honneur de vous écrire; ce
dont j’ofe me flatter d’autant plus, que je pourrais autorifer Iè
tout de l’àveu de deux cents perfonnes au moins, qui, cômme
m o i, ont été témoins de tous les faits que je vais avoir l’honneur
de vous détailler. Cette louve avoit tout au plus trois jours quand
je l’achetai d’un payfan qui l’avoit prife dans le bois, aprèsen avoir
tué la- mère; Je lui fit fucer du lait pendant quelques jours jufqu’à
ce quelle pût manger de la viande. Je recommandai à ceux qui;
dévoient en avoir foin, de la careffer, de la tourmenter continuellement
pour tâcher de l’apprivoifer au moins avec eux; elle finit
par devenir ft familière, que je potivois la mener à la chaffe dans les
bois , jufqu’à une lieue de la. rnaifon fans rifquer de la perdre, elle
efl même revenue quelquefois feule pendant la nuit ,, les jpurs que je
n’avois pu la ramener. J etois beaucoup plus fur de la garder auprès
de moi quand j’avois un chien, car elle les a toujours beaucoup aimés,
& ceux qui avoient perdu leur répugnance naturelle, jouoieut avec
elle comme fi c’eût été deux animaux de la même éfpèce. Jufque-
là elle n’avoit fait la guerre qu’aux chats & aux poules qu’elle
étranglait d’abord, fans en vouloir manger. Dès qu’elle eut atteint
un an, fa férocité s’étendit plus loin, & je commençai à m’apercevoir
qu’elle en vouloit aux moutons & aux chiennes, fur-tout fi
elles étoient en folie. Dès-lors je lui ôtai ia liberté, & je la faifois
promener à la chaîne & mufelée, car il lui eft arrivé fouvent de
fe jeter fur fon conducteur qui la contrarioit. Elle avoit un ait
au moins, quand je lui fis faire la connoiflance du chien qui l’a
couverte. Eiie eft en ville dans mon jardin, à la chaîne depuis
les derniers jours du mois de novembre pâlie. Plus de trois cents
perfonnes font venues la voir dans ce temps. Je fuis logé prefqu’au
centre de la v ille , aïnfi on ne peut fuppofer qu’un loup feroit
venu la trouver. Dès qu’elle commença a entrer en chaleur, elle
prît un tel goût pour le chien, St le chien pour elle, qu iis heurloient
afFreufement de part & d’autre quand ils n etoient pas enfemble.
Elle a été couverte le 28 mars pour la première fois, & depuis
deux fois par jour pendant deux femaines environ. Iis reftoient
attachés près d’un quart-d’heure à chaque fois, pendant lequel
temps la louve paroiffoit fouffrir beaucoup & fe plaindre, & le
chien point du tout. Trois femaines apres on .sspeiçnt ailenient
qu’elle étoit pleine. L e 6 juin elle donna fes petits au nombre
de quatre qutelle nourrit encore à préfent, quoiqu’ils aient cinq
femaines, & des dents très-pointues & allez longues. Ils reflemblent
parfaitement à des petits chiens, ayant les oreilles allez longues &
pendantes. Il y en a un qui eft tout-a-fait noir avec la' poitrine
blanche qui étoit la couleur du chien. Les autres auront à ce que
je crois ia couleur de IaJouve. Iis ont tous le poil beaucoup plus
$mde que les chiens ordinaires. Ii n y a quune chienne qui/efl
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