trouver des branches trop proches qui l ’empêcheroient, & dan*
cette conjoncture la rouffette parcourt la branche jufqu’à ce qu’elle
puiffe prendre fon effor fans rifque. II arrive allez fouvent, dans
une nombreufe troupe de ces quadrupèdes volans, furprife, ou
par un coup de tonnerre, ou un coup de fufil, ou par telle
autre épouvantail fubit, & furprife fur un arbre de médiocre
hauteur, comme de vingt à trente pieds, fous les branches; il
arrive, d is - je , affez ordinairement que plufieurs tombent jufqu’à
terre avant d’avoir pu prendre l’air néceffaire pour les foutenir*,
8c on les voit incontinent remonter le long des arbres qui fe
trouvent à leur portée, pour prendre leur vol fi-tôt qu’elles le
peuvent. Q ue l’on fe repréfente des Voyageurs chalfant ces
animaux qu’ils ne connoiffent point, dont la forme & la figure
leur caufent un certain effroi, entourés tout-à-coup d’un nombre
de rouffettes, tombées de leur fait; que quelqu’un de la bande fe
trouve empêtré d’une ou deux rouffettes grimpantes, & que cherchant
à fe débarraffer 8c s’y prenant mal, il foit égratigné, même
mordu, ne v o ilà - t - il pas le thème d’une relation, qui fera les
rouffettes féroces, fe ruant fur les hommes, cherchant à les bleffer
au vifage, les dévorer, &c. 8c au bout du compte cela fe réduira
à la rencontre fortuite d’animaux d’efpèces bien différentes, qui
avoient grande peur les uns des autres. J ’ai dit plus haut, qu’il
falloit la forêt aux rouffettes; on voit bien ici que c’eft par inftinét
de confervation qu’elles la cherchent & non par caraétère fauvage
8c farouche. A ce que j’ai déjà fait connoître des rouffettes 8i
des rougettes, fi j ’ajoute qu’elles ne donnent point fur la charogne,
que naturellement elles ne mangent point à terre, qu’il| faut
qu’elles foient appendues pour prendre leur nourriture; j’aurai,
je penfe, détruit fe préjugé qui les fait carnivores, voraces, méchantes,
cruelles, 8cc. fi je dis de plus que leur vol eft auffi lourd,
auffi bruiant, fur-tout proche de terre, que celui des vampires
doit 1 être peu, doit être léger, j ’aurai, par ce dernier caraélère,
éloigné eonfidérablement encore une efpèce de l ’autre.
l| D e Ce que l ’on voit par fois des rouffettes rafer la furface de
l ’eau, à peu-près comme fait I’hyrondelle, on les a fait fe nourrir de
poiffon, on en a fait des pêcheurs, 8c il le fàlloit bien, dès qu’on
vouloit qu’elles mangeaffent dé tout. Cette chair ne leur convient
pas plus que toute autre. Encore une fois, elles ne fe nourriffent
que de végétaux. C ’eft pour fe baigner qu’elles rafent i’eau, &
fi elles fe foutiennent au vol plus près de l ’eau qu’elles ne le
peuvent de la terre, c’eft que la réfiftance de celle-ci intéreffe le
.battement des ailes qui eft libre fur l ’eau. D e ceci réfulte évidemment
la pr6preté;)naturelle des rouffettes. J ’en ai bien v u , j’en ai
bien tué, je n’ai jamais trouvé fur aucunes d’elles la moindre faleté;
elles font auffi propres que le font en général les oifeaux.
L a rouffette n’eft pas de ces animaux que nous fommes portés à
trouver beaux ; elle eft même déplaifante à voir, en mouvement 8c
de près. li n’y a qu’un feu! point de vue, 8c il n’y a qu’une, feule
attitude qui lui foit avantageufe relativement à nous, dans laquelle
on la vpie av.eç une forte de plaifir, dans laquelle tout ce qu’elle
a de hideux, de monflrucux difparoît. Branchée à un arbre,
elle s’y tient la tête en bas, les ailes pliées 8c exaélement plaquées
contre le corps; ainfi fa voilure qui fait fa difformité, de même
.que.fes pattes ..de. derrière qui. la foutiennent à l ’aide des griffes
dont elles font armées, ne paroiffent point. L ’on ne voit en pendant
qu’un corps rond, pottelé, vêtu d’une robe d’un' brun-foncé,
très-propre & bien colorié, auquel tient une tête, dont fa phy-
fionomie a quelque chofe de v i f & de fin. Voilà l ’attitude de
repos des rouffettes; elles n’ont que c e lle - là , 8c c’eft celle dans
laquelle elles fe tiennent le plus long-temps pendant le jour. Quand
au point de vue , c’eft à nous à le choifir. II faut fe placer de
manière à les voir dans Un demi-raccourci, c’eft-à-dire, à l’élévation
au-deffus de terre de quarante à foixante pieds, 8c dans une dif-
tance de cent cinquante pieds, plus ou moins. Maintenant, qu’on
fe repréfente la tête d’un grand arbre garnie dans fon pourtour
8c dans fon milieu, de cent, cent cinquante,'peut-être deux cents