M. de la Borde, Médecin du Roi à Cayenne, m'a
envoyé les obfervations fuivantes au fujet de cet animal.
Le tamanoir habite les bois de la Guyane, on y en connoît de
deux efpèces; les individus de la plus grande, pefent jufqua cent
livres; iis courent lentement & plus lourdement qu’un cochon; ils
traverfent les grandes rivières à la nage, & alors' ii n’efl pas difficile
de les affiommer à coups de bâton. Dans les bois on les tue a coups
de fùfil, ils n’y font pas fort communs, quoique les chiens refùfent
de les chaffer.
Le tamanoir fe fert de fes grandes griffes pour déchirer les ruches
de poux de bois qui fe trouvent par-tout furies arbres, fur lefquels
ils grimpent facilement ; il faut prendre garde d’approcher cet animal
de trop près, car fes griffes font des bleffures profondes; il fé
défend même avec avantage contre les animaux les plus féroces
de ce continent, tels que les jaguars, cougars, &c. il les déchire
avec fes griffes, dont les mufcles & les tendons font d’une grande
force; il tue beaucoup de chiens, & c’eft par cette raifon qu’ils
refùfent,de le chaffer.
On voit fouvent des tamanoirs dans les grandes favanes incultes;
on dit qu’ils fe nourriffent de fourmis; fon eftomac a plus de capacité
que celui d’un homme. J’en ai ouvert un qui avoit l’eftomac plein
de poux de bois, qu’il avoit nouvellement mangés, La ftrudure
& les dimenfions de fa langue, femblent prouver qu’il peut auffi
fe nourrir de fourmis. II ne fait qu’un petit dans des trous d’arbre
près de terre; lorfque la femelle nourrit, elle efl très-dangereufe
même pour les hommes. Les gens du commun a Cayenne mangent
la chair de cet animal, elle efl noire, fans graiffe & fans fumet.
Sa peau ,eft dure & épaiffe, fa langue efl d’une forme prefque
conique comme fon mufeau,
M. de la Borde en donne une defcription anatomique,
que je n’ai pas cru devoir publier ic i, pour lui laiffer les
prémices de .ce travail qu’il me paraît ayoir fait avec foin,
Le
L e tamanoir, continue M . de la Borde, n’acquiert fon accroif-
fement entier qu’en quatre ans. Il ne refpire que par les narines;
à la première vertèbre qui joint le cou avec la tête, la trachée
artère efl fort ample, mais elle fe rétjrécit tout-à-coup, & forme
un conduit qui fe continue jufqu’aux narines, dans cette efpèce
de cornet qui lui fert de mâchoire fupérieure. C e cornet a un
pied de longueur, & il efl au moins auffi long que le refie de la
tête; il n’a aucun conduit de la trachée artère à la gueule, &
néanmoins l ’ouverture des narines efl fi petite, qu’on avoit de la
peine à y introduire un tuyau de plume à écrire. Les yeux font
auffi très-petits, & il ne voit que de côté. L a graiffe de cet animal
efl de la plus grande blancheur. Lorfqu’il traverfe les eaux, il porte
fa grande & longue queue repliée fur le dos & jufque fur la tête.
M .rs Aublet & Olivier, m’ont alluré que le tamanoir
ne fè nourrit que par le moyen de là langue, laquelle efl
enduite d’une humeur vifqueufe & gluante, avec laquelle
II prend des infeétes; ils difent auffi que fa chair n’efl
point mauvaife à manger.
D u T A M A N D U A .
N o u s croyons devoir rapporter à l’efpèce du
Tamandua, l ’animal dont nous donnons ici la figure
(planche LVi ) & duquel la dépouille bien préparée
étoit au Cabinet de M. le duc de Caylus, & fe voit
usuellement dans le Cabinet du Roi ; il eft différent du
tamanoir, non-feulement par la grandeur, mais auffi par
la forme. Sa tête efl à proportion bien plus greffe, l’oeil
eft fi petit, qu’il n’a qu’une ligne de grandeur, encore
èft-il environné d’un rebord de poils relevés. L ’oreille
efl ronde & bordée de grands poils noirs par-deffus.
Supplément. Tome III . N n