Nous obferverons ici que fe premier fait rapporté par
M. Ailamand, du dédain & de la cruauté de ce fanglier
envers la truie en chaleur, femhle prouver qu’il eft d’une
efpèce différeote de nos cochons. La difconvenance de
la forme de la tête, tant à l ’extérieur qu’à l’intérieur,
parott le prouver auffi ; cependant comme il eft beaucoup
plus voifin du cochon que d’aucun autre animal, & qu’il
fe trouve non-feulement dans les terres voifines du cap
V e rd , mais encore dans celles du cap de Bonne-efpé-
rance, nous l’appellerons le Sanglier d ’Afrique, & nous
allons en donner l ’hiftoire & la deicription par extrait
d ’après M .rs Pallas & Vofmaër.
C e lu i-ci l’appelle Parc à large groin ou Sanglier
d'Afrique, il le diftingue, avec raifon, du pore de
Guinée à longues oreilles pointues, & du pécari ou
tajacu d’Amérique, & auffi du babirouffa des Indes.
M. de Buffon, dit-il, parlant d’une partie des mâchoires, de
fa queue & des pieds d’un fanglier extraordinaire du cap Verd,
qu’on conferve dans le cabinet du Rot, dit, qu’il y a des dents de
devant à ces mâchoires; or elles manquent à notre fujet.
Et de-là M. Vofmaër infirme que ce n’eft pas le
même animal ; cependant on vient de voir que M.
Ailamand penfe comme moi, que ce fanglier du cap
Verd, dont je n’avois vu qu’une partie de la tête, fe
trouve néanmoins être le même porc à large groin, que
M. Vofmaër dit être inconnu à tous les Naturalises.
M. Tulbagh, Gouverneur du cap de Bonne-efpérance „
qui a envoyé ce fanglier, a écrit qu’il avait été pris entre
d e s A n i m a u x q u a d r u p è d e s . 7 9
la Caffrerie & le pays des grands Namaquas, à environ
deux cents lieues du Cap, ajoutant que c ’étoit le premier
de. cette eipece qu on eut vu en vie. Ad. Vofmaër reçut
auffi la peau d’un animal de même efpèce, qui paroiffoit
différer, à plufieurs égards, de celle de l ’animal vivant.
On avoit mis cet animal dans une cage de bois, &
comme j’étois prévenu, dit M. Vofmaèï, qu’il n’étoit pas méchant,
je fis ouvrir la porte de fa cage. Il fortit fans donner aucune marque’
décoléré; il couroit bondiffant gaiement ou furetant pour trouver
quelque nourriture, & prenoit avidement ce que nous lui préfen-
tions; enfuite 1 ayant iaiffé feul pendant quelques momens, je le
trouvai, à mou retour, fort occupé à fouiller en terre, où non-
obftant le pavé fait de petites briques bien liées-, il avoir déjà
fait un trou d’une grandeur incroyable, pour fe rendre maître,
comme nous le découvrîmes enfuite, d’une rigole très - profonde
qui palfoit au-deïïbus. Je le fis interrompre dans fon travail, & ce
ne fut qu’avec beaucoup de peine, & avec l’aide de plufieurs hommes
qu’on vint à bout de vaincre fa réfiftance, & de le faire rentrer dans
fa cage, qui étoit à claire-voie. II marqua fon chagrin par des cris
aigus & lamentables. On peut croire qu’il a été pris jeune dans les
bois de l’Afrique, car il paraît avoir grandi confidérablement ici;
il eft encore vivant ( dit l’Auteur dont l’Ouvrage a été imprimé en
1767). II a très-bien palfé l’hiver dernier, quoique le froid ait
été fort rude, & qu’on l’ait tenu enfermé la plus grande partie du
temps.
II fembïe l’emporter en agilité fur les porcs de notre pays, il
fe Iaifïe frotter volontiers de la main & même avec un bâton; il
fembïe qu on lui fait encore plus de plaifir en le frottant rudement;
céft de cette manière qu’on eft venu à bout de le faire demeurer
tranquille pour le deffiner. Quand on l’agace ou qu’on le pouffe,
il fe recule en arrière faifant toujours face du côté qu’il fe trouve