dix pouces de longueur, fur cinq pouces dix lignes dans
fa plus grande largeur ; cette tête yue de face, reffemble
à celle d’un boeuf fans cornes. Les oreilles petites &
arrondies par le bout, n’ont que deux pouces deux lignes;
les jambes font greffes & courtes, le pied tient beaucoup
de celui de l’éléphant, la queue n’eft longue que de trois
pouces onze lignes, & elle efl couverte comme tout le
refie du corps d’un cuir dur & ridé. Sa forme efl ronde,
mais large àfon origine, &plus aplatie vers fon extrémité
qui efl arrondie au bout en forme de petite palette, en
forte que l ’animal peut s’en aider à nager.
Par une note que m’a communiquée M. le chevalier
Bruce, il affure que dans fon voyage en Abyffinie,
il a vu un nombre d’hippopotames dans le lac de Tzana,
fitué dans la haute Abyffinie, à peu de diflance des vraies
fources du Ni l, & que ce lac Tzana, qui a au moins
feize lieues de longueur for dix ou douze de largeur,
efl peut-être l’endroit du monde où il y a le plus d’hippopotames.
Il ajoute qu’il en a vu qui avoient au moins
vingt pieds de longueur, avec les jambes fort courtes
& fort maffives.
Nous avons reçu de la part de M. L . Boyer de Calais,
Officier de marine, une petite relation qui ne peut appartenir
qu’à l’hippopotame.
Je crois, d it-il, devoir vous faire part de l’hifloire d’une fàmeufe
bête que nous venons de détruire à Louangue. C e t animal qu’aucun
marin ne connoît, étoit plus grand & plus gros qu’un cheval de
carroffe. II habitoit la rade de Louangue depuis deux ans. Sa tcte
efl monflrueufe & fans cornes, fes oreilles font petites, & il a le
moufflon du lion. Sa peau n’a point de poil, mais elle efl épaiffe
de quatre pouces. Il a les jambes & les pieds femblables à ceux
du boeuf, mais plus courtes. C ’efl un amphibie qui nage très-
bien, & toujours entre deux eaux; il ne mange que de l’herbe;
fon plaifir étoit d’enfoncer toutes les petites chaloupes ou canots,
&. après qu’il avoit mis à la nage le monde qu’elles contenoient,
3 s’en retournoit fans faire de mal aux hommes; mais comme il
ne laiffoit pas que d’être incommode & même nuifible, on prit
le parti de le détruire. Mais on ne put en venir à bout avec
les armes à feu ; il a le coup-d’oeil fi fin, qu’à la feule lumière de
l’amorce il étoit bientôt plongé. O n le bleffa fur le nez d’un coup
de hache, parce qu’il approchoit le monde de fort près & qu’il
étoit allez familier ; alors il devint fi furieux, qu’il renverfa toutes
les chaloupes & canots fans exception. O n ne réuffit pas mieux
avec un piège de groffes cordes, parce qu’il s’en aperçut & que
dès-lors il fe tenoit au loin. O n crut pouvoir le joindre à terre,
mais il n’y vient que la nuit, s’en retourne avant le jo u r , & paffe
tantôt dans un endroit, tantôt dans un autre; cependant comme
on avoit remarqué qu’il ne s’étoit pas éloigné d’un paffage pendant
plufieurs jours de fuite, nous fumes cinq nous y embufquer la
nuit armés de fufils chargés de lingots, & munis de fabres; l ’animal
ayant paru, nous tirâmes tous enfemble fur lui ; il fut bleffé dan-
gereufement, mais il ne refia pas fur le coup, car il fut encore
fe jeter dans un étang voifin où nous le perdîmes de vu e , & ce ne
fut que le furlendemain que les Nègres vinrent dire, qu’ils l’avoient
trouvé mort fur le bord de l’étang. Je pris deux dents de cet animal,
longues d’un pied & groffes comme le poing; il en avoit fix de
cette taille, & trois au milieu du palais beaucoup plus petites;
ces dents font d’un très-bel ÿyoiré (a).
(a) Lettre de N. L. Boyer de Calais, datée à Louangue, côte d’AngoIe,
U 20 août 1767.