voyoit couché en joue il fe gliffoit dune manière fi prompte, qu’il
difparoiffoit pour le moment; il revenoit enfuite d’un autre côté,
& nous tenoit ainfi continuellement en alerte; malgré notre vigilance
nous ne pûmes jamais venir à bout de le tirer; il continua Ton
manège durant deux nuits entières; la troifrème il revint, mais Jaffé
apparemment de ne pouvoir venir à bout de fon projet, & voyant
d’ailleurs que nous avions augmenté le feu , duquel il craignoit
d’approcher de trop près, il nous Iaiffa en hurlant dune maniéré
effroyable. Son cri hou, hou, a quelque chofe de plaintif, & il cil
grave & fort comme celui du boeuf.
Quant au goût de préférence que l’on fuppofe au jaguar pour
les naturels du pays plutôt que pour les Negres & les blancs, je
préfume fort que c’ell un conte. A Cayenne j’ai trouvé cette opinion
établie, mais j’ai voyagé avec les Sauvages dans des endroits, où
les tigres d’une grandeur démefurée étoient communs, jamais je
n’ai remarqué qu’ils aient une peur bien grande de ces animaux;
ils fufpendoient comme nous leurs hamacs à des arbres, s’éloignoient
à une certaine diftance de nous, & ne prenoient pas la meme
précaution que nous dallumer un grand feu; ils fe contentoient
d’en faire un. très-petit, qui le plus fouvent s’éteignoit dans le
cours de la nuit; ces Sauvages étoient cependant habitans de l’intérieur
des terres, & connoiffoient par conféquent le danger qu’il
y avoit pour eux ; j’affure qu’ils ne prenoient aucune précaution, &
qu’ils paroiffoient fort peu "émus, quoiqu’entourés de ces animaux.
Je ne puis m’empêcher de remarquer ici que ce dernier
fait, prouve, comme je l’ai dit, que ces animaux ne font
pas fort dangereux,, du moins pour les hommes.
L a chair des jaguars n’eft pas bonne à manger; ils font la guerre
avec le plus grand avantage à toutes les efpèces de quadrupèdes,
du nouveau continent, qui tous le fuient & le redoutent. L e s
jaguars n’ont point de plus cruel ennemi que le fourmillier ou
tamanoir, quoiqu’il n’ait point de dents pour fe défendre; dès qu’U