particularités relatives à I’Hiftoire Naturelle dè l’hippopotame, qui
ne fe trouvent pas dans la defcription précédente.
On a vu que l’hippopotame doit peut-être fon nom à fa
reffemblance qu’il y a entre fa voix & le henniffement du chevah
Cependant nous avons des relations certaines qui affurent que
fon cri reffemble plus à celui de l’éléphant, ou aux fons roulans
& bégayans d’une perfonne née fourde. Quoi qu’il en foit, l’hippopotame
forme encore une autre efpèce de fon ronflant lorfqu’il
dort, ce qui le fait découvrir de loin. Pour prévenir le danger
qu’il court par-là, il fe couche pour l’ordinaire fur des terreins
marécageux, dans les rofeaux, dont on ne peut approcher que
difficilement.
Je n’ai trouvé nulle part la particularité que je tiens du parent
de Marais, touchant la grande agilité de cet animal. On affure,
au contraire conftamment, qu’on l ’attaque plus volontiers fur terre
que dans l’eau, ce qui ferait contradiéloire s’il étoit aufli léger à la
courfe. Selon quelques autres Hiftoriens, on lui coupe le paflage
à la rivière par des arbres & des foffés, parce que l’on fait qu’il
préfère de regagner l’eau, plutôt que de combattre ou fuir à terre.
II fe trouve, à cet égard, plus avantageufement dans l’eau, où
il n’a aucun animal à craindre. L e grand requin & le crocodile,
évitent l’hippopotame & n’ofent pas s’engager au combat avec lui,
La peau de l’hippopotame eft extrêmement dure fur le dos,
la croupe & la partie extérieure des cuifles & des felfes; de
forte que les balles de fufil Coulent par - deflùs, & que les flèches
en rebondiffent. Mais elle eft moins dure & moins épaiffe fous
le ventre & aux parties intérieures des cuifles, où l’on cherche
à le tirer, ou à lui enfoncer le dard. II a la vie fort dure Sc
ne fe rend pas facilement; c’eft pourquoi l’on cherche à lui caffer,
par adreffe, les pattes en le tirant avec de gros moufquets chargés
de lingots; quand on y réuflit, on eft, pour ainfi dire, maître
de l’animal. Les Nègres qui attaquent les requins & les crocodiles
avee de longs couteaux & des javelots, craignent l’hippopotame,
qu’ils n’oferoient peut-être jamais combattre s’ils ne couraient pas
plus vite que lui. Ils croient néanmoins que cet animal eft plus
ennemi des Blancs que des Nègres.
L a fèmelîe de l’hippopotame fait fon petit à terre; elle l’y
allaite & nourrit, & enfuite elle lui apprend de bonne heure à fe
réfugier dans i l’eau au moindre bruit.
Les Nègres d’Angola, de Congo, d’Elmina, & en général
de toute la côte occidentale d’Afrique, regardent 1 hippopotame
comme une de ces divinités fubalternes, qu’ils nomment Fétiches.
Ils ne font cependant aucune difficulté d’en manger la chair,
lorfqu’ils peuvent fe rendre maître d’un de ces animaux.
Je ne fais, fi j’ofe citer ici le paflage du Père Labat, où il dit,
que cet animal, qui eft très-fanguin, fait fe tiler lui-même du
fang d’une manière particulière. Pour cet effet, cet animal cherche,
d it-il, la pointe tranchante d’un rocher, & s’y frotte jufqu’à ce qu’il
fe foit fait une ouverture affez confidérable pour en laiffer couler
le fang. Il fe donne alors beaucoup de mouvement pour le faire
fortir en plus grande quantité; & lorfqu’il juge qu’il en a perdu
affez, il fe roule dans la fange, afin de fermer la bleffure qu’il
s eft faite. On ne trouve rien d’impoffible dans ce rapport; mais
comment le Père Labat a-t-i l découvert cette Angularitéî
Outre les ufages fus mentionnés de la peau & des dents, on
allure que les peintres Indiens, fe fervent du fang de cet animaL
pour leurs couleurs.