Les Sangliers de ces vases1, l’aiguière à une seule anse, l’amphore, qui en a deux,
et i’ume ornée de ses trois anses, ne laissent rien à désirer pour le fini et l ’élégance
du dessin. Peints en noir, sur un fond éclairci, couleur cuir de-botte, ils s’accordent
entre eux, et présentent une expression si fidèle de nature et des caractères
si précis, qu’ils me jettent dans les soucis de nouvelles et plus grandes hésitations.
Comme forme générale, c’est ji peu près la tête de nos Sangliers proprement dits :
même longueur, même disposition en cône, et même termihaisomën un groin évasé
et circulaire, djme grosseur moyenne.
Les différences observées sont que lès têtes de ces peintures antiques sont plus
acuminées, moins rectilignes, le chanfrein paraissant arqué; les yeux sont aussi
plus haut posés, les jambes plus dégagées «et les pieds plus amaigris : si ce n’était
ce plus de longueur de tête, ces formes seraient davantage en rapport avec celles des
Sangliers aux quatre cornes d’Élien, Sus cethiçpiçus de Pallas. Les consid^àtions
suivantes multiplient ces rapports : c’est la même ampleur de la région de la pommette
, ampleur qui tient à l’hypertrophie des parties osseuses ( lo s jugal^ la faces
en est élargie; les yeux refoulés plus haut : c’est encore l’existence de deux saillies*
considérables du derme ou de deux énormes verrues de chaque coté. Ces derniers
traits sont faiblement indiqués sur les peintures antiques; mais j’ai été confirmé
dans la valeur de leur expression et le motif de leur emploi par l’observation du
morceau suivant.
H M. Durand possède encore une partie de^sculpture antique, de huit poupes de
long, représentant une tête de Sanglier, et ayant été employée a orner4 extiémiié
d’une gouttière et à en vomir les eaux par la bouche. Cette tète est plein# d'es^ares*
sion, ce qui tient surtout à une exagération toute poétique de ses principau^tçaitsî
Cependant ce que nous en pouvons avec confiance employer à notre question, esf--
ceci : le crâne n’est point exactement conique; le chanfrein est arqué; les yeux sont
remontés haut; la région suboculaire est étendue et de plus <#conscrite inférieu-
rement par deux énormes tubercules ou grosses verrues; enfin, les défenses sont
une exacte répétition de celles de l’échantillon du temple d Olympie, pour leur
égalité de volume, leur forme arrondie, leur grandeur relative, leur relation, la
dent inférieure précédant la supérieure , ét leur renversement et adhérence sur le
museau. Cette tête forme le n.° 2 de notre vignette,
ï . M. le colonel Boiy de Saint-Vincent, qui a réglé que chaque partie de l’ouyrage de Morée
serait terminée par une ingénieuse vignette'J^admis pour sujet du prfcsent article l’un de ces
Sangliers. Dans le soubassement des scènes^ qiii ornent le magnifique vase Panthée m a fa it ,1 ou
l’urne aux.trois anses, existe une.mar.chie d’ammaux isolés et à dai file, parmi lesquels-le L ion,,,»
le Sanglier, etc. La figure n.° 1 , repro<?uisanVj|i dernier mammiférfeppreafote à 1’observalenr les
traits suivans, qui-caractérisent le Sanglier de l’antique Pél oponèsefsavoir : m longueur de la tète,
l ’acuité du museau et la disposition de I f crinière, relevée et prolongéeaue la lofé u la queue.
J’ai dit plus hautyjue tant de documens qui ne s’accordent point entre eux,
jetteront dans de plus grandes perplexes. Le devoir de ma position exige que
je les recherche^ét les rassemble, pour les accepter tels quels, les exposer et les
discuter. C’est dans le même but que, pour rendre la détermination cherchée moins
incertaine, je vais faire une revue des espèces du sous-genre des Sangliers. J’écris,
les pièces sous les yeux.
i.° Le S a n g l ie r v u l g a ir e , Sus scrofa.
2.0 Le S a n g l ï e r k o i r o p o t a m e , S us Koiropolamus.Ce Sanglier, apporté du cap
de Bonne-Espérance);,et qu’on ne rencontre'dans les bois qu’à cent cinquante lieues
du .ghef-lieu, n’est point décrit, mais seulement figuré sous ce nom par Desntoulins
dans l ’atlas du Dictionnaire classique d’histoire naturelle, tome XVII : il n’a encore
reçu que ce mode de publication.
3.° Le Sa n g l ie r d e N u b i e , dont nous devons la découverte et la publication aux
naturalistes allemands, les plus récens explorateurs du Haut-Nil dans l’Abyssinie.
4 ° Le S a n g l i e r d e s P a p o u s , S u s papuensis. Il est décrit et figuré dans la
Relation du voyage de circumnavigation de la Coquille (Zoologie, pl. 8). M. Lesson
l ’a repris et donné de nouveau dans son Complément de l’oeuvre réimprimé de
Buffon, t. 4 > p- 552.
5.° L ^ j j S a n g l i e r d e s I n d e s , S u s indiens. C’est une espèce dont nous devons la
connaisis$pbe et. les dépouilles aux illustres amis et savans investigateurs, MM. Diart
et DuvaucelwSemblable au Sanglier vulgiaire par son port, son volume et Ja conformation
du crâne, elle diffère de celui-ci notablement par sa crinière épaisse, droite:;
qui est touffue dès le point de l’arrière-crâne, et qui se prolonge ainsi hérissée jusque
sur la queue.
Cette dernière circonstance mérite qu’on s’y arrête; car ce qui forme le trait le
plus éminemment caractéristique des espèces peintes sur les vases grecs, c ’est la
haute et épaisse crinière de leur dos, laquelle naît aussi de l’arrière-tête, et se prolonge
droite et hérisée sur la queue.
Mais ici se présente une question. La distance géographique de la Grèce au Cap
fournirait-elle un préjugé plausible pour ne point rapporter les animaux de ces pays
qui se ressemblent à l’identi^' d’espèce? Non; la science possède des faits qui interdisent
cette exclusion. Il suffit que des formes rendues permanentes dans un temps
fort reculé, rencontrent dans des contrées éloignées une toute semblable température,
un même milieu, pour n’être exposées à aucune altération. Mais nous avons
mieux que cette donnée générale pour former notre conviction à cet égard ; car
j’ai moi-même reconnu l’identité d’espèces1 trouvées en des lieux aussi distans. La
1. Consultez un examen que j’ai donné des animaux vertébrés momifiés et débarrassés de leurs
langes, et que j’ai placé dans l’ouvrage de J. Passalarqua, intitulé Antiquités- découvertes, etc.
Paris, in-8.°, 1826.