sur divers points dè la terre, ils y pensent de même, s’y répètent de même, mais
ne se copient pas. Chaque peuplade se trouve célébrer ses succès par de mêmes
chants triomphaux : car il n’y a d’histoire soigneusement recueillie et écrite que
parmi les nations qui ont vieilli dans la civilisation.
C’est ce que ne comprennent point quelques esprits généralisateurs, qui, au
contraire, apercevant des rapports entre les tendances et les moyens des premiers
actes de la vie sociale, en des temps et lieux différens, ne-’ananquent point dans
ce cas d’attribuer l’invention de l’ordre établi au peuple le plus ancien, et ne
^voient plus que des effets de réminiscences chez les générations suivantes.
Voilà par quelles séries d’idées a passé mon esprit pour concevoir comment
chaque peuple, placé à d’assez grandes distances comm&dièu et, comme époque,
aura de la même manière commencé la vie socialg sera de -même, ou a peu
près de même, félicité dé ses succès.
Mais quant aux douze travaux d’Hercule, je m’appuie sur des preuves plus
spèciales et plus directes ; c’est; que le caractère et les expressions des faits attribués
à ce héros sqnt uniquement et exclusivement grecs. Chaque nom d allégorie
a son principe dans des raisons* de localités : c’est à des Grecs, et ep. se servant
des noms de leurs villes, vallées et montagnes^qu’on parle. Ceci est manifeste
dans cette nomenclature : Taureau de G rosse ou de Crele, Lion de Nemee, Sanglier
d’Érymanthe ou de Calydon, Hydre de Lemè, etc. Tout est là d’invention grecque,
c’est de l’histoire et de la géographie entièrement helléniques.
J’avais besoin pour moi et mes lecteurs de ces éclaircissemens : au moyen de
ces explications, je puis effectivement avancer dans la composition de cet écrit,
agir aveô une pleine aisance-dans les déterminations que je vais maintenant essayer
de donner.
Dans le bas-relief d’Olympie, formant une page, qui n’est pas seulement recom-
niandable par son antiquité de vingt-deux siècles, mais qui l ’est en outre comme
émané du grand siècle de la sculpture et commefétant le sujet original d un commentaire
fait par Pausanias, nous iie trouvons d’instruction et de souvenirs que
pour trois animaux de l’ancienne Grèce. Une partie seulement des sujets exprimant
les douze travaux d’Hërcule nous est parvenue : l’Hydre de Lerne, ou du
moins une tête de serpent qu’on en a supposé la représentation, était au nombre
des objets retrouvés y'mais ce morceau n’a point été rapporté.: c’est une perte
•regrettable.1
i . Je regrette bien moins cette perle, depuis que j’ai vu dans la collection des antiquités grecques
de M. Durand un autre fragment, qui avait fait aussi partie d’une représentation des douze^ravaux
d’Hercule : l’Hydre de lerne. s’y trouve entière. Un naturaliste se serait .volontiers arrangé de l’idée
que la conception de ce mythe eût été réalisée; comme composition matérielle, d’après un modèle
CH A P IT R E II.
Recherches zoologiques.
Je passe à la description des trois animaux, à celle du moins de leur forme,
telle qu’elle nous'-est présentement transmise par l’art de la sculpture, comme il
fut au. temps de PhidiaS.
I. Le T a u r e a u , objet du sixième travail d’Hercule. Ce Taureau est représenté
de grandeur naturelle^et.de profil¿/la tête étant tournée pour être vue de face;
le héros, dans une attitude où il déploie sa force athlétique, est légèrement incliné,
son dos couvrant les flancs de l ’animal. Il se le soumet, en paraissant l ’accabler,
non-seulement de son proprè poids, mais de plus par de violens efforts. Ainsi
l’on aperçoit du Taureau, par derrière, la croupe et la queue artistement jetée, et
par devant, sa tête; le-cou est gros, la corne est .presque droite, latérale et fort
courte : le masque manque, le marbre étant fruste en. cet endroit par suite de
brisure; cependant l’emplacement de la face est suffisamment circonscrit pour qu’on
puisse juger de ses proportions et y reconnaître surtout un front large et sans
hauteur. D’après cet ensemble, et les formes de la queue légèrement floconneuse
à l’extrémité, mais en se fondant spécialement sur les caractères plus précis de la
tète,*je crois reconnaître le Taureau sauvage, qui fut autrefois si abondant en
Europe, le Bos Urus, l’Aurochs, dont il est fort souvent question dans les Commentaires
de César, qui n’existe plus présentement dans les forêts de la Germanie
et que Faction progressive de la civilisation dans les lieux où il est encore spufde
la nature vivante, et par exemple, d’après l’impression laissée à l’esprit par les huit longs bras
du corps de la Seiche ; mais ce n’est point là du tout ce que peut faire supposer l’exécution du
morceau que j’ai sous lesyeiix. Je n’y aperçois'qu’une oeuvre assez grossièrement établie, mais
d’ailleurs sortie tout-entière des conditions de structure des serpens. C’est un tronc partagé en
neuf branches : c’est uniquement la moitié postérieure d’un gros serpent, surmontée de.neuf subdivisions
de l’animal, chacune terminée par une tète; des écailles sont répandues sur la peau
avec une grande négligence et sans fidélité quant à l’attache de leur insertion. D n’est donc là que
le tracé d’une penséëmythologique rendue par un croquis de convention e t , en définitive, qu’une
traduction symbolique des circonstances malfaisantes de la fange caractéristique des lieux marécageux,
lesquelles reparaissent, quelque soin que l’on mette à s’en préserver. Pour deux tètes abattues dans le
combat, sept autres se dressent et se montrent menaçantes. Tout cela signifie qu’il ne faut rien moins,
contre l’action délétère des décompositions animales dans des marécagçs, que l’activité opiniâtre
et séculaire de l’homme, cherchant à assainir son lieu d’habitation; courageux et persévérans
efforts, dont l’humanité, dans son enfance, ne se reconnut point le pouvoir, qu’elle s’étonna plus
tard de rencontrer chez ses héros ou demi-dieux, et dont elle voulut enfin célébrer les succès, en
les personnifiant dans l’invention du mythe : Hercule sorti vainqueur de ses douze travaux.
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