Il est manifeste, d’après ces traits, que c’est à la première dés deux espèces
d’Aristote que se rapportent les formes du Lion sculpte par Alcamène1. Mais a
laquelle des n.° a et n.° 5 ? Tout me porte à croire que c’ést à lajjgrace qm existe
encore dans le voisinage de la Syrie. Autrefois il y avait aussi des Lions dans la
Syrie elle-même et en Égypte, pays où l ’on n’en trouve plus. La Cilicie, l’Arménie
et le pays des Parthes en étaient pleins, dit Oppien; si l’on en voit encore
aujourd’h u i, ils y sont au moins très-rares.
0 Deuxièmement. ¿Sur la tête vue de face.
v L’artiste a voulu y introduire un caractère d.e forcé et de majesté^; les lèvres
ne sont que dans une demi-contraction; le nez est large et. court, plus sensiblement
que dans le Lion du mont Atlas. Les oreilles paraissent plu^plissées, moins
ouvertes et plus basses que chez les Lions actuellement vivans. La crinière, très-
singulièrement compassée, se trouve sibien distribuée en flocons sinueux et symétriques,
qu’qn croit y reconnaître moins l ’intention d’une copie exacte, que le
faire d’un calcul, que le sentiment de l’artiste.
Troisièmement. Sur la tête figurée de profil.
C’est le même travail que dans le cas j&écédent: il est évident que l’artiste s’est-|
assujetti à l’idéal adopté par lui pour ce sujet, à une composition d’intentions
poétiques ; mais de plus cette tête m’a fourni une observation intéressante , un
fait du moins qui m’a laissé dans une grande incertitude. Six dents bien rangées
et d’une «forme non équivoque remplissent tout un côté de la mâchoirOîpé-
rieure. Le même- relief apparaît aussi à<Ja mâchoire d’en bas, mais sous un ç^pect
à cacher une partie des dents, ou à ne les présenter que réduites ou,-sacrififes.
Les six dents supérieures se reconnaissent sans difficulté comme faites d’après ¿es
six larges dents mâcheliëres du Cheval. Or, ce sont quatre molaires de ^pitié
plus petites, échancrées et à bords profondément sillonnés, qui formentTarrière-
partie de l’arcade dentaire des Lions, et à la mâchoire inférieure, trois seulement.
Dans ce cas, est-ce ignorance, est-ce calcul, que ces arjapgemens dentaires
transportés du Cheval et attribués au Lion? Il n’est de choix a faire ici qu’entré*
ces deux partis, inattention ou bizarre^. Renfermé dans cette position, il me
répugne moins d’admettre l ’erreur volontaire, qui aurait pris ses motifs dans
l ’esprit du siècle de Phidias, dans des^combinaisons mythologiques. Et en effet,
! Un vase antique à trois anses, qui fait partie de la riche collection de M. Durand, donne,
exprimée dans le style le plus pu r , la figure du Lion grec, dont le caractère spécifique est très-
reconnaissable: sa crinière, assez courte, s’étei«t[sur»e c ou , sans le dépasser; la rencontre d’un
sanglier motive son attitude menaçante. V o u la it-o n revoir et vérifier soi-mèm&gfes circonstances?
je signale ce vase et par son sujet principa\fè0ne marche trioniphale tJe.Bacchus, et par son
inscription nAN©AI02,ME II0IE2E2 [Panifiée m a fa it),
ce qui révolte avec tant de raison notre parti pris d’une fidélité servile, nos idées
reçues d’assujettissement à la vérité locale, à une imitation correcte des sujets à
représenter, se changeait, pour les Grecs en des principes qui les portaient vers
des combinaisons dont ils faisaient des vérités de convention, plutôt que sur lé
vrai lui-même.
Je m’explique %cet égard C & e n effet, si ce n’est pas tout simplement sur une
grossière méprise, Alcâmèné Saurait suivi que la mode de. son temps, en prenant,
avec toute licence, en dehors de son sujet de quoi ajouter a l’effet pittoresque,
et en sacrifianfla, réalité, pour y substituer plus de passion et de poésie. C’était
desg^ées que l’on se proposait^alors de traduire avec de la sculpture, et non des
formes réelles qu’il fallait rendre exactement. Or, le profil d’une nfâchoire pleine
de dents*" grandes et robustes pouvait paraître d’un effet plus menaçant, du moins
annoncer bien autremeritf'de la'force, que les trois ou quatre dents petites, aiguës
et découpées du Lion, lesquelles, copiées servilement, n’eussent amené sous le
ciseau qu’une nature amaigrie.
C’était autrefois , pour les arts en peinture et en sculptgre, comme pour les
sciences en physiologie et en médecine^ on négligeait le matériel des choses pour
s’en tenir à leur manifestation extérieure: et ce ne fut point par choix, mais par
nécessité de position. L’organisation des corgsïyivans, pour être appréciée, réclame
l’observation de données si nombreuses, qu’il a bien fallu s’en jéférer à la lente
investigation des siècles. Mais en attendant que la construction de .l'admirable
machine eût fourni à toutes les informations désirables, et Que la science pût
devenir à son égard rationnelle, ce qui apparaissait de cette oeuvre admirable, ses
3gtions, ses mouvemens, ses relations, sa vitalité, ses combinaisons, ses intus-
susqgptions, sa capacité pour l’intelligence, et généralement sa manière d’être à
l ’égard de toutes les parties de son monde ambiant , formaient un ensemble de
scènes vàriées qu’il devenait plus facile et plus expéditif d’étudier sur ces manifestations
apparentes; ¿insi, la médecine è’en tint à être hippocratique, la physiologie
fut traitée par dès philosophes, et la poésie s’introduisit dans les arts d’imitation.
On ne s’inquiéta poiù^de ce qu’était chacun, de nos organes, pour rester entièrement
à la préoccupation de ce qüè tp'us ensemble produisaient d'actions au
dehors c’était laisser de côté la construction des animaux pour l ’expression de
JeuVs habitudes. Rien n’était possible alors au-delà,/le ce champ d observations;
mais alors, favorisées par cette spécialité d’études, les connaissances de ce genre
gagnaient en profondeur, et plus réfléchies que de nos jours, elles tendaient à
introduire le sentiment de' ce haut savoir dans toutes les compositions des arts.
Est-ce dans ces idées dominantes, qu’au grand siècle de l’art, Alcamène aurait
puisé l ’inspiration de renchérir sur le grandiose de son sgjet au moyen d’heu