4 4 MAMMIFÈRES.
6 Le LY$CX.,. Felis L y n x , L.
Cet animal, le plus redoutable des Chats et peut-êtFe de tous les carnassiers que
nourrit notre Europe, est très-rare en Morée : il se tient pendant presque toute
la durée de l ’année sur les cimes, soit de l’Olénos, soit des montagnes du
canton de Saint-Pierre ou deTzaconie. C’est au temps où ces cimes sont couvertes
de neige qu’il descend dans les plaines, où très-certainement il fait une guerre
cruâle aux troupeaux, malgré les préjugés contraires des Moréotes, qui voient
avec peine qu’on fasse la chasse au Lynx. Ils le regardent, en effet, comme
l’ennemi acharné des loups (sans doute pour avoir vu un Lynx disputer une
proie à un deifùes animaux) et, par conséquent, comme le protecteur naturel
de leurs troupeaux. -
Malgré tous ces préjugés, qui rendent difficile aux Européens la possession
d’un Lynx, un officier de l’armée française était parvenu à procurer à M. Bory
de Saint-Vincent un très-bel individu, à peine sevré et bien-portant. On le tenait
attaché par un collier; mais une nuit, où l’on avait laissé ouvertes, à cause de
la grande chaleur, les croisées de la chambre qui lui servait de prison, le jeune
Lynx sauta pàî l’une de ces croisées et, retenu par sa corde trop courte, resta
suspendu à un pied de terre, et fut déchiré par les Chiens. Cet accident nous
prive de donner en ce moment la description et la figure de la variété du Lynx
qui habite la Morée ; mais nous espérons pouvoir en faire l’objet d’un Supplément
à notre travail, grâce au jeune Constantin Colocotroni, qui, retournant
en Grèce, a bien voulu promettre à M. Bory de Saint-Vincent de ne rien épargner
pour lui procurer quelques Lynx au temps des neiges.
1 Le RENARD, Canis Vulpes, L.-
Les Renards de Morée appartiennent, sans nul doute, à l’espèce si commune
dans toute l’Europe centrale, et si généralement connue; mais ils présentent
quelques différences organiques, corrélatives aux circonstances^ très-différentes
des localités de climat et de température, sous l’influence desquelles ils vivent.
Nous croyons en' conséquence devoir donner sur eux quelques ^détails.
Leurs poils laineux sont d’un gris foncé; les soyeux, qui cachent entièrement
ceux-ci, sont' d’un brun fauve dans la plus grande partie de leur étendue; mais
ont la pointe blanchâtre dans une portion, brune dans une autre. De là résulte
pour l’ensemble du pelage une teinte générale d’un fauve grisâtre; tiqueté de
blanc jaunâtre; teinte très-différente de celle qui cùuvre uniformément les parties
supérieure? du pelage du Renard de France. La queue du Renard de Morée présente
aussi quelques différences; elle est rousse en dessus, mais cendrée sur les
m am m ifè re s . 4 5
côtés aussi bien que dans la portion inférieure; enfin, sa taille est petite et son
poil généralement grossier.
Il n’est pas sans intérêt de comparer ces modifications, subies par le Renard
sous le climat de l ’une des régions les plus méridionales de l’Europe, à celles
qu’a fait éprouver à la même espèce l’influence des circonstances ppposées, c’est-
à-dire, son habitation dans les régions septentrionales de l ’Europe. A vingt,
vingt-cinq, trente degrés plus au.nord, en Norwége, par exeriïple, les Renards,
sensiblement plus grands que ceux de nos pays, ont un pelage composé de poils
plus longs et beaucoup plus moelleux. Quant aux couleurs, elles sont les mêmes
que celles de nos renards communs, mais avec uriè nuance plus foncée et plus
vive. Ainsi, comme on le voit, sous l ’influence de causés inverses, le fond commun
d’organisation, le type spécifique, a subi des modifications-précisément inverses,
et ces modifications sont tellement marquées, que si l’on ne connaissait que le
Renard de Morée et le Renard norvégien, on pourrait les considère» comme'
les types de deux espèces, certainement aussi distinctes que plusieurs de celles
qui sont admises, soit dans le même genre, soit surtout dans un grand nombre
d’autres groupes. Mais (et peut-être en sera-t-il de même un joiifepour plusieurs
de cellës-ci) les variétés qui peuplent les région? intermédiaires étant connue^
la distance qui séparait zoologiquement ces deux, variétés extrêmes, se trouve
comblée en même temps que disparaît le vaste intervalle qui séparait le,s. patries
de l’une et de l ’autre.1
8 Le CHACAL, Canis aureus,L. (Voyez Pl. I. B. de la 3.® série.)
Cette autre espèce du genre Chien, trouvée aussi en Morée par M. Bory de
Saint-Vincent et les compagnons de ses travaux d’exploration, Va nous présenter
desrfaîts analogues à ceux que nous venons d’indiquer à l’égard du Renard.
La découverte en Morée du Chacal, si célèbre par les récits, quelquefois vrais,
bien plu^souvent faux, dont les voyageurs ont rempli tant de pages, est, sans
aucun doute, l ’un ,4es résultats les plus curieux que la zoologie doive aux travaux
de l’expédition française en Morée. Non-seulement l ’existence, de ce remarquable
carnassier dans'cette région était totalement inconnue aux zoologistes, mais on
l’eût, à priori, déclarée pour le moins très-invraisemblable en adoptant les idées
de la plupart des auteurs qui ont écrit -sur la géographie zoologique. Les observations
de M. Bory de Saint-Vincent et les nombreux renseigûemens qu’il a
i . Nous avons^fàit représenter, dans la vignette qui termine notre Introduction (Voyez page 9 ) ,
la tête d’un Renard remarquable par ses oreilles à moitié noires et à mortié rousseS?-.Cette dernière
couleur étant celle qui appartient normalement au Chacal, quelques personnes ont cru pouvoir
regarder cette variété comme un métis du Renard et du Chacal de Morée.