NOTICE
SUR LES POLYPIERS DE LA GRÈCE.
PAU M. BORY DE SAINT-VINCENT.
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On verra dans l’appendice où nous rangerons la Flore de Morée et des Cÿclades
selon les familles naturelles (voy. part. 2 du présent vol., p. 344)» combien la Méditerranée
est peu riche en Hydrophytes on Cryptogames des eaux. Il en est de
même pour les Polypiers. Malgré que l ’industrie tire de cette mer des Éponges et
du Corail en abondance, et que nos collections d’histoire naturelle s’embellissent
d’assez élégantes espèces de Zoophytes et de Lythophytes qui en proviennent, le
nombre de ces êtres ambigus, moins considérable dans le bassin qui sépare l’Europe
de l’Afrique que sous les latitudes correspondantes dans l’Océan aux lieux
convenablement situés, y diminue encore à mesure qu’on s’y enfonce d’Occident
eh Orient; i l finit par se réduire presque à zéro sur les côtes d’Égypte, de Syrie
et même dans les parties de l ’Archipel que j’ai visitées. On a d’ailleurs vu, soit en
plusieurs endroits de la relation de notre voyage, soit dans une note de la partie
zoologique du présent volume (voyez p. 5y ) , combien peu d’instans, malgré ma
prédilection pour les productions de la mer, j’ai pu consacrer à leur recherche
et à leur étude. M’en étant reposé pour l’histoire naturelle des eaux à des incapacités
qui m’avaient été adjointes, ce n’est que par cas fortuit qu’il m’a pour ainsi
dire été possible de descendre aux rivages dont j’avais confié l’exploration à des
collaborateurs qui ne furent point aussi consciencieux et habiles que l’étaient ceux
qui, presque toujours à mes côtés, ont si honorablement rempli leurs devoirs.
Ce n’est guère que dans une excursion à Sapience , dans ma descente au cap Ténare,
et sur quelques points du Golfe sarronique, que je pus moi-même recueillir quelques
productions maritimes, dont la partie la moins pauvre se trouvera cataloguée
dans notre Flore. Lorsque je naviguai sur la mer Égée, la maladie de mes compagnons
les mettant hors d’état de me seconder, je me trouvais avoir trop de choses à
faire pour donner beaucoup d’attention à des objets dont l’exiguité qui en rendait
la recherche difficile et le petit nombre n’offraient pas de résultats dignes d’être
mis en balance avec ce que me promettaient les autres' branches de la science. C’est
alors plus que jamais que je regrettai qu’on ne m’eût point adjoint MM. Deshayes
et Bibron. Le fond de diverses baies, qui aux alentours des Cyclades est disposé
pour nourrir quelques créatures marines, est presque exclusivement tapissé de Zos-
tères, plantes qui ne permettent guère à quoi que ce soit d’y croître entre les touffes
épaisses de leur feuillage serré; à peine quelques Flustres et Mélobésies en sont-elles
parasites. Sur les rocs battus des flots le choc est trop grand pour que les moindres
Corallines ou Sertulariées y puissent résister; ce sont ordinairement, lorsqu ils ne
sont pas entièrement dénudés, et que la vie commence a s’organiser a leur surface,
des plaques ou croûtes calcaires et muqueuses qui les viennent revêtir. Ces croûtes,
appliquées comme certains Lichens le sont à la cime-des monts battus de la tempête,
ont le plus grand rapport de contexture et de couleur avec certains Lythophytes,
qui se contournent en mamelons un peu cérébriformes ou en crêtes irrégulières,
et qui de passage en passage arrivent à la disposition rameuse. Lamarck (Syst. des
Anim. sans vert., p. 334) en forma son genre Nullipore, Nullipora, qui fut adopté
par Bertoloni (Amoen. ital., p. 2 56 et suiv.); dans la suite l’illustre professeur du
Muséum négligea ce genre, en le faisant rentrer mal à propos entre les Millépores
(tome II de son Histoire des animaux sans vertèbres), encore que la loupe
même n’y montre pas la moindre apparence de pores ou de cellules quelconques.
Ces. croûtes ne sont qu’une substance calcaire inorganisée, solide, polymorphe
diversement colorée dans l’état de vie, passant au blanc mat de la chaux par la
mort et la dessiccation, et dont Bertoloni dit animal certe nullum, aussi y avons-
nous cherché inutilement des habitans avec le microscope. Cependant une mucosité
particulière* souvent épaisse et bien évidemment animale, puisqu’elle est identique
par la consistance et l’odeur avec celle qui découle des Gorgones, des Antiphates
et de la plupart des Lythophytes, recouvre les Nullipores, qui ne sont point des
êtres vivans, selon l’acception que le vulgaire donne au mot vivre, mais qui, n étant
■pas non plus des corps bruts, comme les roches qui les supportent, rentrent
nécessairement dans ce règne Psychodiaire, dont nous avons proposé 1 établissement
dans nos précédens écrits1, et dont la realité sera nécessairement reconnue
quand certains dominateurs, qui traitent avec mépris tout ce qui ne sort pas de
leur cerveau routinier, n’en imposeront plus dans les sciences a de timides disciples.
Quoi qu’il en soit, Bertoloni eut encore raison, quand il réunit, sous la dénomination
de Nullipora calcarea g, les MiUepora agariciforrnis, licfienoides et coriacea des
auteurs; mais i l eut tort d’y réunir, comme de simples variétés, trois ou quatre
espèces qui, pour se trouver dans les mêmes mers, n’ont pas autant de rapports
entre elles que leur en trouve le savant italien. Celle pour laquelle nous propose»
rons de conserverie nom de calcarea, en y rapportant comme synonyme le Mille*
pora Jucorum d’Esper ( tab. X X I I J '), est la plus simple de toutes; elle consiste
en une couche mince, assez unie, muqueuse au tact, verdâtre dans sa cassure,
1. Y oyez FEncycl. par ordre de mots, et le Dict. classique d’hist. nat.