L" CLASSE.
MAMMIFÈRES.
Le nombre des Mammifères qui ont été recueillis par la Commission scientifique
de Morée, est peu considérable, et il ne s’est trouvé parmi eux aucune espèce nouvelle
pour la science. Il s’en faut de beaucoup, cependant, que les résultats de cette
expédition aient été sans utilité pour la mammalogie elle-même, qui lui devra, entré
autres.faits intéressans, la découverte du Chacal en Morée : découverte également
remarquable, et par lés conséquences qu’elle peut fournir à la géographie zoologique,
et par cette circonstance, d’un jptérêt tout particulier pour les zeolojpstes
de l’Europe, qu’elle ajoute i la Faune de cette partie du monde, la mieux connue
de toutes,- une espèce que.les récits des voyageurs avaient depuis long-temps rendue
célèbre, et dont ils avaient, en quelque série, naturalisé à l’avance parmi nous la
notion et la crainte.
Selon le plan adopté pour toutes les parties de cet ouvrage, nous passerons
successivement en revue, en suivant l’ordre le plus généralement adopté par les
zoologistes, les groupes principaux de la classe des Mammifères, nous bornant à la
simple mention des espèces qui ne présentent rien de remarquable que la localité
où elles ont été trouvées, insistant, au contrair^, et présentant sur d’autres les
développemens que nous paraîtra réclamer leur* histoire.
I. CHAUVE-SOURIS. 1
Deux espèces ont été rapportées par l ’expédition de Morée, et toutes deux
appartiennent au genre Vé^ertilion.
1 Le VESPERTILION MUÉIN, Vespertilio murinus, L.
2 Le VESPERTILION PIPISTRELLE, Vespertilio Pipistrellus, L.
Ce sont, comme on le voit, deux espèces communes en France et dans
presque toute l’Europe, et dont l’une, la Pipistrelle, en même temps répandue
dans l ’A f r iq u e septentrionale, paraît se retrouver jusqu’au Sénégal.2
i . Nous avons à peine besoin de dire que, si nous .passons sous silence l’ordre tout entier des
quadrumanes, c’est qu’aucune espèce de ce groupe ne se trouve en Grèce. Tout le monde sait
qu’un seul quadrumane, le Magot, vit en état de liberté en Europe; encore ce singe, essentiellement
africain, ne se trouve-t-il dans notre Europe que sur un seul po int, à Gibraltar.
a.. Quant a u i prétendues Pipistrelles du Brésil, indiquée^par quelques auteurs, elles n’appartiennent
point à la véritable espèce du Vespertilio Pipistrellus, mais aux espèces uniquement américaines,
que j’ai établies ailleurs sous les noms de Vespertilio Hilar ii, Vespertilio polylhrix et
Vespertilio levis. Voyez les Annales des sciences naturelles, tome IU.
II. INSECTIVORES.
Aucune espèce d’insectivores ne s’est trouvée dans la collection des Mammifères
de Grècej mais, outre le Hérisson, dont il n’est pas rare de trouver dans les
champs des dépouilles desséchées,' nous devons à M. Bory de Saint-Vincent et à
M. Puillon de Boblaye d’avoir constaté l ’existence en Morée de Taupes, soit par la
vue d’un assez grand nombre de taupinières semblables à celles dont la présence
est si multipliée et si nuisible dans nos prairies, soit par les renseignemèns
qu’ils se sont procurés en diverses localités.
D ’après des notes qu’a bien voulu n'ous communiquer M. Bory1, la Taupe
habite surtout les plateaux élevés de l’Arcadie., principalement dans le bassin de
Tripolitza, où les pluies d’automne, au rapport des habitans, l ’obligent' quelquefois
.à quitter ses galeries. Pendant les chaleurs de l ’été il est, au contraire,
excessivement rare d’apercevoir une Taupe, ou ses traces, hors de terre. 8
En attendant que les recherches commencées en Morée, sous là direction de
M. Bory de Saint-Vincent, et continuées depuis sur son invitation, nous procurent
des Taupes, la certitude’que ce genre de Mammifères, également intéressant
pour l’histoire naturelle et pour la physiologie, existe dans le continent de la
Grèce, est déjà un renseignement utile, et qu’il importe de noter avec soin.
Il est au moins très-vraisemblable que les Taupes de Grèce se trouveront appartenir,
non pas à l ’espèce si commune en France et dans la plus grande partie de
l’Europe, que les zoologistes nomment tous, d’après Linné, Talpa europæa, mais
à cette autre espèce que M. Paul Savi a découverte récemment en Italie, et qu’il
a fait connaître sous le nom de Talpa cæ b a^ Cet habile et savant zoologiste
a en effet rendu très-vraisemblable l’opinion que la Taupe aveugle est l’espèce
anciennement vue et décrite par Aristote : espèce quetous les zoologistes rapportaient
à tort à la Taupe ordinaire, expliquant ce qu’ils voyaient de contradictoire
entre les résultats de leurs propres observations et les intéressantes remarques
d’Aristote, par la prétendue inexactitude des assertions de ce, grand naturaliste.
Ainsi se trouve établie, par une preuve de plus, cette véracité des anciens
auteurs grecs, contre laquelle les modernes n’ont le plus souvent élevé des aqcu-
1 . C’est également à M. Bory de Saint-Vincent que noos sommes redevable des renseignemens ,
consignés dans plusieurs passages de cet article', sur les moeurs de divers animaü§, sur les localités
où ils ont .été trouvés et sur diverses circonstances du voyage des membres de la Commission.
2. Yoyez les Memorie scientifiche de M. Paul Sa v i, page 29.