Parmi les araignées tout-à-fait sédentaires, qui confient leur existence
pour ainsi dire au hasard, nous remarquerons plusieurs espèces nouvelles
des genres Théridion, Epéire, Thomise, etc.
On s’attend bien à trouver des Scorpions dans Jine contrée aussi méridionale
que la Morée; ils n’y sont pas rares, en effet, et cela pendant
toute l’année. Atteignant quelquefois la grosseur des grandes espèces
d’Amérique, ou à peu près, ils sont pour la plupart un peu plus grands
que le Scorpion des provinces de France voisines de l’Espagne, et que
l’on a nommé Occitanique. On les trouve toujours sous les pierres plus
ou moins adhérentes au sol, et principalement dans les ruines, tant
anciennes que modernes, dont le pays est couvert. Ils s’y tiennent quelquefois
à de grandes profondeurs, particulièrement deux des espèces
que nous avons recueillies; tandis que la troisième, l’espèce jaunâtre,
de toutes^ la plus commune, n’habite que sous les pierres placées à la
superficie du sol. C’est la pioche à la main que l’on se procure les deux
premières, qui vivent à quelques pieds en terre, dans des retraites
où l’on a peine à concevoir qu’elles aient pu parvenir. Lorsque l’on
trouve un Scorpion dans quelque localité, on est sûr d’en rencontrer
beaucoup d’autres; mais ce qui est remarquable, c’est qu’il arrive de
voir jusqu’à quatre ou cinq individus réunis sous la même pierre,
et l’on sait que ces1* animaux passent pour ne pas vivre en société.
Doit-on présumer que dans ce cas ce sont les descendans d’une même
mère qui ne l’ont pas encore quittée? L’observation prouve combien ces
animaux sont peu sociables, et comment ils s’entre-dévorent lorsque la
nourriture leur manque et qu’ils se trouvent enfermés plusieurs ensemble.
Il pourrait donc arriver que dans la saison ou leur proie devient
plus rare, ils fussent1 réduits sous-leur pierre à la même extrémité ; on
doit croire que la réunion que nous avons remarquée plus d’une fois,
ne devait avoir que peu de durée, mais on ne saurait l’attribuer au
l\asard. Il faut observer de plus que les individus qui se trouvaient
ainsi rapprochés, étaient à l’état adulte. Quoique fort nombreux,les
Scorpions de la Morée ne peuvent être groupés que dans trois espèces
distinctes, ainsi que nous l’avons donné à entendre; mais l’une d’elles
paraît fort rare. Toutes trois semblent nouvelles, et si les deux dïf
miîdi de la France s’y trouvaient, il faudrait que ce fût à une époque
ou dans des localités toutes particulières, parce que sur un très-grand
nombre d’individus nous n’avons pas pu -fleS- reconnaître. Les observations
de plusieurs naturalistes nous ont familiarisés avec ce que l’on
peut savoir des moeurs de ces animaux, qui ne nous ont fourni aucun
fait nouveau. En séjournant dans le pays, il eût été facile d’étendre
nos connaissances à cefe?égard, et de multiplier des expériences sur la
malignité de leur venin; ils sont assez répandus pour fournir à toute
espèce d’épreuves, mais ce temps nous a trop souvent manqué. Dans
les bivouacs de l’armée française aux environs de Navarin, peu après
l’époque de son débarquement, quelques soldats, piqués par des Scorpions
, n’en éprouvèrent qu’une enflure peu considérable, quoique
assez douloureuse, et qui dura un seul jour. On ne peut pas tirer de
ce fait isolé la conséquence que la piqûre de ces animaux n’est pas
à craindre en Morée; trop de causes différentes peuvent influer sur
la qualité du venin, telles que l’état de réplétion, de repos, ou bien
celui de fatigue et de souffrance à la suite d’un long jeûne. Nous
avouerons ici que nous n’avons pas eu le courage de Maccari, qui a fait
sur lui-même l’essai de cette piqûre avec des scorpions du midi de la
France; il est des répugnances qu’il n’est pas donné à tout le monde
de surmonter, et nous ne remangerons jamais de pontonies vivantes
( voy. p. 92 de la Relation). On ne trouve guère de Scorpions au-dessus
des premières élévations qui environnent le pied des montagnes.
Beaucoup plus commune que les Scorpions, une espèce de Scolopendre
qu’il faut rapporter au Morsitans, L., et qui se retrouve dans presque
tous les climats chauds du globe, parcourt vers le milieu du jour et par
le beau temps les plaines de la MOrée; on la surprend sôus presque
toutes les pierres; sa taille est des plus variables, et sa couleur subordonnée
à son accroissement, les jeunes individus étant d’un vert-foncé
uniforme, qui se change en jaune plus ou moins pâle, à mesure qu’ils
approchent de leur plus grande taille. Cette espèce pénètre assez fréquemment
dans les maisons; son extrême agilité pourrait seule inspirer
de là crainte, car elle n’est nullement nuisible; elle mord, il est vrai,
mais dans le cas seulement où l’on vient à la saisir ou à la presser,