genre Spongia sur la côte de l’Argolide, et nous les avons soigneusement examinées
; le travail que nous avions fait à ce sujet s’est égaré avec les figures qui
l ’accompagnaient et les échantillons préparés qui s’y trouvaient joints dans une
petite caisse particulière, probablement durant la tyrannique et ridicule quarantaine
qu’on a fait subir à nos collections dans le lazaret de Marseille. Nous ne pourrions
le reproduire qu’imparfaitement de mémoire. Nous nous bornerons donc à dire ici
que le Spongia ojjîcinalis se rencontre notamment en plusieurs points des côtes
d’Argolide, à Krémidi, et que nous en avons trouvé de beaux individus dans l’anse
de la presqu’île de Métana, où nous avions mouillé. Croissant contre les pentes
des rochers assez profondément, elles y formaient des boules plus ou moiûs considérables,
mais qui dépassaient rarement cinq pouces de diamètre. Leur couleur,
dans l’état de plus grande fraîcheur, était noire avec une teinte ardoisée. Lorsqu’on
les saisissait du plat de la main, un mouvement y était évidemment sensible,
mais ce n’était point une véritable contraction aussi distincte qu’on serait tenté de
la présumer d’après ce qu’on a constamment écrit depuis Pline sur les mouvemens
des Éponges. Quand on les arrache, elles paraissent souvent se renfler davantage;
mais ces mouvemens de contraction et de renflement imparfaits sont-ils un caractère
d’animalité et ne viennent-ils pas de ce que la pression nécessaire pour saisir et
enlever l ’Éponge du lieu qui la supportait, en chasse ou en refoule de la mucosité
interne et conséquemment en diminue ou en modifie la forme et le volume. L’Éponge
vivante est composée du tissu élastique qu’on lui connaît sur nos toilettes et dans
les collections, où elle ressemble néanmoins si peu à ce qu’elle est dans la mer, que
les personnes les plus habituées à s’en servir ne les y sauraient reconnaître. Une
humeur glaireuse, qui file en manière de glu, en remplit la totalité, pénétrant dans
les moindres interstices de son feutre, comme le fait l’eau où nous la plongeons. Cette
sorte de glu transparente y est contenue par une enveloppe corticale, dont les
plaques d’Oscillaires étendues en automne sur les pavés de nos rues, les dalles
de quelques lieux humides ou la terre du pourtour de certaines granges sous les
-gouttières, donnent une idée assez juste. Cette enveloppe muqueuse, lustrée, noire,
et qu’aucun naturaliste n’a mentionnée ni étudiée, est la partie la plus curieuse
du végétal, qu’elle rapproche de notre famille des Chaodinées et dont les prétendus
courans des oscules n’ont jamais existé. Des erreurs d’optique ont donné lieu à
tout ce qu’on a conté de ces courans, qui ne sauraient avoir que des causes mécaniques,
et l’erreur qui s’accrédite à leur sujet, vient de ce qu’aucun des observateurs
qui ont fait sonner si haut leur prétendue découverte, n’a travaillé sur des
Éponges fraîches. Quand on a étudié celles-ci, on le reconnaît à l ’instant. Tout individu
ou fragment d’Éponge, sur lequel n’existe pas d’enduit noir luisant et muqueux,
est mort depuis long-temps. Les pêcheurs ont soin de faire disparaître cet enduit,
après la récolte des Éponges, qu’ils entassent afin d’en laisser écouler la mucosité
fétide; ils les foulent ensuite aux pieds, ayant soin de les laver et de les faire macérer,
jusqu’à ce qu’à force d’avoir été fatiguées, il leur reste le moins d’odeur possible.
C’est alors que, séchées, elles sont livrées au commerce. Juger de leur organisation
dans cet état ou d’après ces morceaux de Spongia dichotoma et autres qu’on trouve
abondamment jetées sur nos rivages océàniques, est comme si l’on voulait se faire
une idée du Canabis saliva par un paquet d’étoupes, ou de la nature d’une
poire par l’espèce de squelette qu’en a figuré Seba. C’est exactement ce qu’ont fait
les personnes qui jusqu’ici ont écrit sur la nature, l ’organisation et la vie des
Éponges ainsi que sur les Polypiers flexibles. Il arrive parfois que des échantillons
de collections conservent l’enduit cortical; mais Esper seul en a tenu compte dans
ses planches 34> 35, 42 et 68. On le fait ordinairement disparaître, croyant nettoyer
l ’Éponge, comme les marchands de coquilles enlèvent à plusieurs de celles-ci le drap
marin qui cache les couleurs auxquelles seules ils attachent de l’importance. A propos
d’Esper et de ses planches, le Fabago d’Aristote ( lib. 5 , cap. i 5 ) que cet aureur
a figuré (tab. 26) comme une Tubulaire, et que Pline (lib. 32, cap. 8 ) appelait
une sorte d’A lcyon, n’est qu’un amas de matrices de Mollusques dont le pourtour
de la baie de Navarin et les côtes du golfe de Messénie sont souvent jonchées par
le flot qui en rejette en quantité. Il paraît provenir du Murex brandaris, dont
la pourpre a plus haut occupé notre savant ami, M. Deshayes.
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