
tioji : j ’écrivis jusqu’à huit heures du soir 5
nous soupâmes , et je me mis au lit à
dix.U
n vent violent se faisoit alors entendre;
il étoit mêlé de beaucoup de pluie ; mais
j ’étois tranquille sur le sort de notre compagnon
, qui de voit être arrivé à Oban.
Je commençois à peine a dormir , qu un
bruit me réveilla ; j’entendis frapper et
crier à la porte ; je me levai, et après
avoir averti les gens qui allèrent ouvrir,
nous vîmes entrer le cher Andreani et son
monde, malheureux et mouillés , comme
si on les eut plongés à diverses reprises
dans l’eau. Ils avoient été pris par le gros
tems au milieu du passage ; la tempete les
poussa plusieurs fois sur Oban , sans qu ils
pussent entrer dans le port : la nuit etoit
si obscure qu’il leur étoit impossible de
pouvoir reconnoître le lieu ou ils se trou-
voient, et que ce ne fut qu’après avoir couru
les plus grands dangers , e t , pour ainsi
dire, par l’effet du hasard, qu’ils rentrèrent
dans la petite anse d’Ashnacregs.
Le froid les avoit saisi ; notre premier
soin fut donc de les rechauffer. On fit un
grand feu, l’on but du rhum et du thé ,
et tout s’arrangea pour le mieux. M. Andreani
fut le premier à rire de son aventure
; il n’en fut pas de même de ses deux
domestiques , qui , n’ayant jamais vu que
les campagnes fertiles et riantes de la belle
Italie, se trouvoient un peu dépaysés ici.
Ils avoient été si fort frappés du danger
et du spectacle effrayant d’une mer terrible
, au milieu des ténèbres de la nuit,
qu’après avoir mille et mille fois rendu
grâce à la madone qu’ils avoient invoquée
et qui les avoit sauvés, ils levèrent
les mains au ciel, et jurèrent de ne plus
quitter cette île toute aride qu’elle étoit :
Nous aimons mieux y broutterl’herbe,nous
dirent-ils , que de nous exposer encore aux
fureurs de cette abominable mer. Et puis,
ils grondèrent leur maître sur ses imprudences
, et sur sa folie de venir visiter le
plus détestable pays de la terre. Leurs
gestes , leurs pantomimes, le jeu de leur
physionomie, le sérieux avec lequel ils se
lamentoient, me donnèrent une scène véritablement
comique.
Du repos le reste de la nuit, et du
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