
Comme la mer n’étoit pas, à beaucoup
près, tranquille, lorsque je visitai cette
même grotte, j ’entendois un bruit d’une
nature bien différente, toutes les fois que
les vagues, se succédant avec rapidité, ve-
noient se briser contre le fond de la caverne.
Ce bruit etoit semblable à celui que pro-
duiroit un corps dur d’un gros volume qui
frapperoit lourdement et avec force contre
un autre corps dur, dans un lieu souterrain
et caverneux; le choc en étoit tel
qu’on l’entendoit au loin, et que la grotte
en étoit comme ébranlée. Voisin du lieu
où il s’opéroit, et où l’eau est moins profonde
lorsque la vague se retire. Je cherchai
à découvrir d’où pouvoit provenir ce
choc effrayant, et je ne tardai pas à re-
connoître qu’il existoit un peu au-dessous
de la base sur laquelle portent les colonnes
en buffet d’orgue , une ouverture qui
sert d’issue à une cavité , peut-être même
à une petite grotte , dans laquelle il est
impossible de pénétrer ; mais où il est à
présumer qu’un bloc détaché , poussé avec
une violence extrême par l’impétuosité du
flot, vient heurter avec fracas contre les
parois de la cavité. L’on voit d’un autre
côté , par le bouillonnement que l’eau
éprouve dans cette partie, qu il y a d autres
petites issues par lesquelles l’eau sort,
lorsqu’elle s’est introduite en masse par
l ’ouverture principale ; de manière qu il
est possible , lorsque la mer n’est pas assez
agitée pour mettre en action le bloc emprisonné
dans la cavité, qu’alors 1 air fortement
comprimé par le poids de l’eau qui
ne cesse jamais d’être en mouvement dans
cette partie, ne produise en sortant par
les petites ouvertures latérales, un son particulier
, qui a quelque chose de surprenant
; et ce seroit véritablement alors une
espèce d’orgue faite des mains de la nature :
ceci expliqueroit très - bien pourquoi le
nom antique et véritable de cette grotte
en langue erse, est celui de grotte mé-
lodieuse (1).
(i) Sir Joseph Banks est le premier qui ait donné à la grotte
de Staffa le nom de grotte de Fingal. J’ai pris les renseigne-
mens les plus exacts auprès de plusieurs personnes tres-ins-
truites dans la langue erse , gallique ou celtique, et notamment
auprès de M. Mac-Liane de Torloisk et de M. MacDonald
de Sky , pour savoir quel rapport pourroit avoir