fut un de ceux que je vis le plus souvent
j il me combla de politesse et chercha
à me procurer tous les objets d’instruction
et d’agrement qui purent m’intéresser
dans cette ville.
Smith avoit voyagé en France, et fait
un séjour assez long à Paris ; sa collection
de, livres étoit nombreuse et d’un bon
choix. Tous nos meilleurs auteurs fran-
çois y occupoient une place distinguée.
II aiuioit beaucoup notre langue.
Quoique d un âge avancé, il avoit encore
une belle figure ; ses traits s’animoient
lorsqu il parloit de Voltaire qu’il avoit
connu et qu’il aimoit beaucoup. « La rai-
« son lui a des obligations incalculables,
« me disoit-il un jour en me faisant voir
« un fort beau buste de luiq le ridicule
« et les sarcasmes qu’il versoit à pleine
« main sur les fanatiques et les hommes
ce de mauvaise foi de toutes les sectes, a
« préparé les esprits à la lumière de la
«c vérité, à la recherche de laquelle tout
« bon esprit doit aspirer. Il a plus fait à
ce ce sujet que les livres des plus graves
ce philosophes, que tout le monde ne lit
•e pas 5 tandis que les écrits de Voltaire
«e sont fait, en général, pour tous et lus
ec de tous. »
ce Je ne pardonne pas, me disoit-il une
ce autre fois, à l ’empereur Joseph I I , qui
« vouloit se donner le ton de voyager en
« sage, d’avoir passé près de Ferney sans
«c être allé rendre hommage à l’historien
«c du czar Pierre Ier. Je conclus de-là que
« Joseph II n’étoit qu’un homme au-des-
«c sous du médiocre. »
Une autre fois , en prenant du thé avec
lu i , il me parla de Rousseau avec une
sorte de respect religieux. Voltaire cher-
cc choit à corriger les vices et les folies
«c des hommes en plaisantant, quelquefois
« même en se fachant; Rousseau par l’at-
cc trait du sentiment et la force de la con-
« viction entraînoit le lecteur dans le sein
c« de la raison. Son Contract social pour-
«c roit bien le venger dans un tems des
« persécutions qu’il a éprouvées. »
Adam Smith me demanda un jour si
j ’aimois la musique ? Je lui répondois
qu’elle faisoit mes délices lorsque j’avois
le plaisir d’en entendre de la bonne,
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