Ce ne fut pas sans rire que, les voyant
hors de danger, nous leur entendions raconter
leurs infortunes , et sur-tout le charmant
épisode des poux.
Leur récit me rappella sur-le-champ une
aventure semblable, arrivée , dans la même
île et probablement dans la même maison
, au chevalier Banks, qui, accompagné
de Solander, de James Lind, de Gore,
de Waldenet d eTroïl, étoit parti de Londres
, en 177a, pour aller en Islande ; il
voulut, en passant, visiter la belle grotte
de Fingal, qu’il a fait connoître le premier.
Arrivés à Stafïa, ils dressèrent une tente
pour y passer la nuit 5 le seul habitant qu’il
y avoit alors dans l’île pressa si vive! ment M.
Banks de venir coucher dans sa cabane,
qu’il y consentit par complaisance, et laissa
ses compagnons sous la tente.
Le lendemain, en sortant de la hutte„
il s’apperçut qu’il étoit couvert de poux;
il voulut en faire, avec douceur, quelques
reproches à son hôte, qui, piqué au
v if, se redressa, prit un ton de fierté,
et accusa lui-même avec hauteur et une
sorte de dureté, M. Banks d’avoir apporté
des poux dans son île , en lui disant qu’il
auroit mieux fait de les laisser en Angleterre.
Le détail des aventures de mes pauvres
amis ne m’encourageoit guère à faire le
même voyage ; M. Mac-Liane sur-tout ne
cessoit, de son côté, de m’entretenir de
l’inconstance de cette mer, des dangers
de l’abordage dans l’île , de la saison trop
avancée, et de la crainte où il étoit qu’en
supposant même qu’on pût saisir un moment
favorable pour y arriver , on n’eût
pas les mêmes facilités pour en revenir,
et qu’on fût obligé d’y rester, non-seulement
plusieurs jours à l’exemple de nos
amis, mais peut-être plusieurs mois.
« Je suis déjà âgé, me dit M. Macee
Liane, j’ai fait plusieurs voyages dans
« les Indes et je suis accoutumé à la mer;
« cependant toutes les fois que j ’ai voulu,
« par complaisance, accompagner quel-
«e ques personnes qui m’avoient été recom-
« mandées, à l’île de Staffa , qui est,
« pour ainsi dire, à ma porte, j ’ai eu à
« m’en repentir. J’ai fait six fois çe voyage