& quoique pendant ce même temps nous n’ayons rien
négligé pour nous inftruire fur les oifeaux,& pour nous
en procurer toutes les efpèçes rares; que nous ayons
même réuffi à rendre cette partie du Cabinet du Roi
plus nombreufe & plus complète qu’aucune autre collection
du même genre qui foit en Europe, nous devons
cependant convenir qu’il nous en manque encore un
aifez grand nombre : à la vérité, la plupart des efpèces
qui nous manquent, manquent également par-tout ailleurs;
mais ce qui nous prouve que nous fommes encore
bien loin d’être complets, quoique nous ayons raifemblé
plus de fept ou huit Eents efpèces, c’eft que fouvent il
nous arrive de nouveaux oifeaux qui ne font décrits
nulle part, & que d’un autre côté il y en a plulieurs
qui ont été indiqués par nos Ornithologiftes modernes,
qui nous manquent encore, & que nous n’avons pu nous
procurer. Il exifte peut-être quinze cents, peut-être deux
mille efpèces d’oifeaux, pouvons-nous efpérer de les
ralfembler toutes! & cela neft encore que l’une des
moindres difficultés que l’on pourra lever avec le temps;
il y aplufieurs autres obftacles dont nous avons furmonté
quelques-uns, & dont les autres nous parodient invincibles.
Il faut qu’on me permette d’entrer ici dans le
détail de toutes ces difficultés; cette expofition eft d autant
plus néceflaire, que fans elle on ne concevroit pas les
raifons du plan & de la forme de mon ouvrage.
Les efpèces dans les oifeaux, font non-feulement
en beaucoup plus grand nombre que dans les animaux
quadrupèdes, mais elles font auffi fujettes à beaucoup
plus de variétés ; c’eft une fuite néçeffaire de la loi des
combinaifons où le nombre des réfultats augmente en
bien plus grande raifon que celui des élémens; c’eft auffi
une règle que la Nature femble s’être prefcrite à mefure
quelle le multiplie, car les grands animaux qui ne pro-
duifent que rarement & en petit nombre, n’ont que peu
d efpèces voifines, & point de variétés , tandis que les
petits tiennent à un grand nombre d’autres familles, &
font fujets, dans chaque eipèce, à varier beaucoup; &
les oifeaux paroilfent varier encore beaucoup plus que
les petits animaux quadrupèdes, parce qu’en général les
oifeaux font plus nombreux, plus petits, & quiIs pro-
duifent en plus grand nombre. Indépendamment de cette
caufe générale, il y en a de particulières pour les variétés
dans plufieurs efpèces d’oifeaux. Le mâle & la femelle
nont, dans les quadrupèdes, que des différences allez légères,
elles font bien plus grandes & bien plus apparentes
dans les oifeaux ; fouvent la femelle eft fi différente du
mâle par la grandeur & les couleurs, qu’on les croirait
chacun dune eipèce diverfe: plufieurs de nos Naturaliftes,
deux meme des plus habiles, s’y font mépris, & ont
donne le mâle & la femelle d’une même efpèce, comme
deux efpeces diftinâes & féparées ; auffi le premier trait
de la defcription d un oifeau doit être l’indication de la
reffemblance ou de la différence du mâle & de la femelle.