fufpeét, mais faux ; car tous ceux qui ont obfervé les alures de
l’orfraie, ont bien remarqué quil voyoit aiTez pendant la nuit
pour prendre du gibier & même du poiffon , mais ils ne fe font
pas aperçus qu’il eût la vuefoible, ni qu’il vît mal pendant le
jour : au contraire, il vife dalfèz loin le poilfon fur lequel il veut
fondre ; il pouriùit vivement les oifeaux dont il veut faire là
proie, & quoiqu’il vole moins vite que les aigles, c’eft plutôt
parce qu’il a les ailes plus courtes que les yeux plus foibles :
cependant le refpeél qu’on doit à l’autorité du grand Pbilofophe
que je viens de citer, a engagé le célèbre Aldrovande, à examiner
fcrupuleufement les yeux de l’orfraie ; & il a reconnu que
l’ouverture de la pupille ( d ) , qui d’ordinaire n’eft recouverte
que par la cornée, l’étoit encore dans cet oilèaù par une membrane
extrêmement mince, & qui forme en effet l’apparence
d’une petite taie fur le milieu de l’ouverture de la pupille ; il a
de plus oblèrvé que l’inconvénient de cette conformation pàroît
être compenfé par la tranfparence parfaite de la partie circulaire
qui environne la pupille, laquelle partie dans les autres oifeaux eft
opaque & de couleur obfcure. Ainli l’obfervation d’Ariftote eft
bonne, en ce qu’il a très-bien remarqué que l’orfraie avoit les
yeux couverts d’un petit nuage; mais il ne s’enfuit pas néceffai-
rement quelle voie beaucoup moins que les autres, puifque là
lumière peut palier aifément & abondamment par le petit cercle y
( d ) S èd iti oculo dignum obfervatione eft'q u o d voea qua homini in pupillâ perforattir
tenuiftimam quondam membranulam pupilla pratenfam. habeat : atqui hoc eft quod philofophus
dicere voluit. fubtUiftimam illam membfanam, nubeculam vocans. Ifta c tamen ne prorfus
viftonemprapediret, quod retro & a d lateribus nigro, ut homini, colore imbuta & fubflantiâ
pauià crajjior fit-; itaque partem qua iridis ambi tu cJavditur, fubtUiftimam omnifque coloris'
expertem & exa flè pellucidam natura fabricata eft ; hoc ipfum v if Us detrimentum non nihil,
refarcire poteft fuperciliorum aut fuperna orbita oculorum partis prominentia qua feu teilum
oculos fupernè operi t. Aldrov. A v i. tome I , page 2 2 6 .
parfaitement tranfoarent, qui environne la pupille. II doit feulement
réiùlter de cette conformation, que cet oifeau porte iitr le
milieu de tous les objets, qu’il regarde, une tacbe ou un petit
nuage obfcur , & qu’il voit mieux de côté que de face : cependant,
comme je viens de le dire; on ne s’aperçoit pas par le
réfultat de fes aélions qu’il voie plus mal que les autres oifeaux ;
il eft vrai qu’il ne s’élève pas à beaucoup près à la hauteur de
Faigle, qu’il n’a pas non plus le vol auffi rapide; qu’il ne vile ni
ne pourfuit là proie d’aufli loin : ainli il eft probable qu’il n’a
pas la vue auffi nette, ni auffi perçante que les aigles ; mais il eft
fin: en même temps qu’il ne l’a pas comme les chouettes,
offufquée pendant le jour, puifqu’il cherche & ravit fa proie
auffi-bien le jour que la nuit ( e ) , & principalement le matin
& le foir; d’ailleurs en comparant cette conformation de l’oeil de
l’orfraie, avec celle des yeux de la chouette ou des autres oiièaux
de nuit, on verra quelle n’eft pas la même; & que les réfultats
doivent en être différens. Ces oifeaux ne voient mal pu point
du tout pendant le jour, que parce que leurs yeux font trop
fenfibles , & qu’il ne leur faut qu’une très-petite quantité de
lumière pour bien voir : leur pupille eft parfaitement ouverte,
& na pas la membrane ou petite taie qui iè trouve dans l’oeil
de l’orfraie. La pupille dans tous les oifeaux de nuit, dans les chats
& quelques autres quadrupèdes qui voient dans l’obfcurité, eft
ronde & d’un grand diamètre, lorfqu’eüe ne reçoit l’impreffion
que dune lumière foible comme celle du crépufcule; elle devient
( e ) J’ai été informé, par des témoins oculaires., que l’orfraie prend du poiffon pendant
la nuit, & qu’alors on entend de fort loin le bruit qu’elle fait en s’abaiilànt fur les eaux.
M. Saleme dit auffi que quand i’orfraie s’abat fur un étang pour Jaifir là proie, elle fait
un bruit qui paroît terrible, fur-tout ia nuit. Omithol. page 6 .