L O R F
L ’O r f r a i e , OJJifraga (p l. 1 1 2 & 4 1 5 ) , a été appelé
par nos Nomenclateurs le grand aigle de mer ( b j. II eil en effet
à peu près auffi grand que le grand aigle ; ii paroît même qu’il a le
corps plus long à proportion, mais il a les ailes plus courtes ;
car, l’orfraie a jufqu’à trois pieds & demi de longueur, depuis
le bout du bec à fextrémité des ongles, & en même temps il
n’a guère que fept pieds de vol ou d’envergure; tandis que le
grand aigle qui n’a communément que trois pieds deux ou trois
pouces de longueur de corps, a huit & jufqu’à neuf pieds de
vol. Cet oifeau eft d’abord très-remarquable par fe grandeur,
& il eft reconnoiflàble, i.° par la couleur & la figure de fes
ongles, qui font d’un noir brillant & forment un demi-cercle
entier ; 2° par les jambes qui font nues à la partie inférieure,
& dont la peau eft couverte de petites écailles d’un jaune vif ;
q.° par une barbe de plumes qui pend lôus le menton, ce qui
lui a fait donner le nom S aigle barbu. L’orfraie fe tient volontiers
près des bords de la mer, & alfez fouvent dans le milieu des
terres à portée des lacs, des étangs & des rivières poiilonneuiès;
il n’enlève que le plus gros poiflôn, mais cela n’empêche pas
'( a ) E n G r e c , ; en Latin, O ßfraga ; en Italien, AqinJàflro angutfla larbata ;
Ên Allemand, Großer hafen ahr ; en Siléfie, S k a fl; en Polonois, O ry il-Lom ign at; en
Anglois, Ofprey; en vieux François, Orfraye, O ßra ie, Freneau, B ris-os, Osfrague, Orfraie.
Les Anciens lui ont donné le nom d’oßrfrague, parce qu’ils avoient remarqué que cet
oifeau caffoit avec ibn bec les os des animaux dont il fait la proie.
f b ) L e grand aigle de mer. Briiîbn, tomé I , page B a s fa — Orfraie ou oflîfraguei
Defcription du cap de Bome-efpe'rance, par K o lbe, tome I I I , page 14 .0 .
qu’il Be prenne âufîr du gibier ; & Comme il eft très-grand &
très-fort, il ravit & emporte aifément les oies & les lièvres,
& même les agneaux & les chevreaux. Ariftote affure que rton-
lèulement l’orfraie femelle foigne lès petits avec la plus grande
affeélion, mais que même elle en prend pour les petits aiglons
qui ont été chaiféspar leurs père & mère, & quelle les nourrit
comme s’ils lui appartenoient : je ne trouve pas que ce fait qui
eft aflèz fingulier, qui a été répété par tous les Naturaliftes, ait
été vérifié par aucun, & ce qui m’en feroit douter, c’eft que
cet oifeau ne pond que deux oeufs, & n’élève ordinairement
qu’un petit; & que par conféquent on doit prélûmer qu’il fe
trouverait très-embarralfé, s’il avoit à foigner & nourrir une
nombreufe famille ; cependant, il n’y a guère de faits dans
Ihiftoire des animaux d’Ariftote qui ne foient vrais, ou du moins
qui n’aient un fondement de vérité; j’en ai vérifié moi-même
plufieurs, qui me paroilfoient auffi fulpeéls que celui-ci, &■ c’eft
ce qui me porte à recommander à ceux qui fè trouveront à
portée d’ohferver cet oifeau, de tâcher de s’affurer du vrai ou
du faux de ce fait. La preuve, fans aller chercher plus loin,
qu Ariftote voyoit bien & difoit vrai prefqu’en tout, ceft un autre
fait qui d’abord paroît encore plus extraordinaire, & qui demandoit
également à être conftaté. L’orfraie,-dit-il, a la vue foible, les
yeux léfés & obfcurcis par une efpèce de nuage (c) : en confé-
quence, il paroît que c’eft la principale raifon qui a déterminé
Ariftote à féparer l’orfraie des aigles, & à le mettre avec la
chouette & les autres oifeaux qui ne voient pas pendant le jour :
â juger de ce fait par les réfultats, on le croirait non-feulement
( c ) Pamm offifraga oculis valet; nubeculâ enim oculos habet la fo s. Ariftot. H ifl. anim.
iib. IX , cap. x x x i v .
Tome /.