L E M I L A N e t L E S BUSES.
L es Milans & ïes Bufes, oifeaux ignobles , immondes &
fiches , doivent fuivre les vautours auxquels ils relfemfilent
par le naturel & les moeurs : ceux-ci, malgré leur peu de généralité
, tiennent par leur grandeur & leur force, l’un des
premiers rangs parmi -oifomn. Le« milans & les bufes qui
n’ont pas ce même avantage, & qui leur font inférieurs en
grandeur, y füppléent & les furpaflênt par le nombre; partout
ils font beaucoup plus communs, plus incommodes que
les vautours; ils fréquentent plus fouvent & de plus près les
lieux habités; ils font leur nid dans des endroits plus acceflîbles;
ils relient rarement dans les déferts; ils préfèrent ïes plaines &
les collines fertiles aux montagnes flériles: comme toute proie
leur eft bonne, que toute nourriture leur convient; & que plus
la terre produit de végétaux, plus elle eil en même temps
peuplée d’infeétes, de reptiles, d’oifeaux & de petits animaux ;
ils établüîènt ordinairement leur domicile au pied des montagnes
, dans les terres les plus vivantes, les plus abondantes en
gibier, en volaille, en poilîbn; fans être courageux ils ne font
H pas timides, ils ont une forte de flupidité féroce qui leur donne
l’air de l’audace tranquille, & femble leur ôter la connoiffince
H du danger : on les approche, on les tue bien plus aifément que
les aigles ou les vautours ; détenus en captivité, ils font encore
moins fiifceptibles d’éducation: de tout temps on les a profcrits,
rayes de la lifte des oifeaux nobles, & rejetés de l’école de la
Fauconnerie : de tout temps on a comparé l’homme groffièrement
impudent au milan, & la femme triftement bête à la bulë.
Quoique ces oifeaux fb reflèmblent par le naturel, par la
grandeur du corps (a), par la forme du bec, & par plufieurs
autres attributs , le milan eft néanmoins aifé à diftinguer, non-
feulemerit des bufes, mais de tous les autres oifeaux de proie,
par un feul caradère facile à fiifir ; il a la queue fourchue, les
plumes du milieu étant beaucoup plus courtes que les autres,
fiiflent paroître un intervalle qui s’aperçoit de loin, & lui a fait
improprement donner j e fin-nom 'fourchue : il
a auffi Je» ailes proportionnellement plus longues que les bufes,
& le vol bien plus aifé : auffi paflè-t-il fa vie dans l’air ; il ne fe
repofe prefque jamais, & parcourt chaque jour des efpaces
immenfes ; & ce grand mouvement n’eft point un exercice de
chafle ni de pourfuite de proie, ni même de découverte, car
il ne chafle pas; mais il femble que le vol foit fon état naturel,
fa fituation favorite : l’on ne peut s’empêcher d’admirer la manière
dont il l’exécute, fes ailes longues & étroites paroiffent immobiles;
c’eft la queue qui femble diriger toutes les évolutions, &
elle agit fans ceffe; il s’élève fans effort, il s’abaiflè comme s’il
glifloit fur un plan incliné ; il femble plutôt nager que voler ;
il précipite fà courfe, il la ralentit ; s’arrête & refle comme
fufpendu ou fixé à la même place pendant des heures entières,
fins qu’on puiflè s’apercevoir d’aucun mouvement dans fes ailes.
II n’y a dans notre climat, qu’une feule efpèce de milan
(pl. 4 .2 1), que nos François ont appelé milan royal (b), parce
(a ) M ilvus regalis uiagmtudine & habitu huteoni conformis eft. . . . entra il/i crocea fu n t
humiliora, buteonis ultra poplites propendentibus plumis ftm iliter ferrugineis d ila tis obteguntur.
Schwenckfeld. A v i. S il. pag. 303 .
(b ) Milan royal. En G re c, en latin, M ilvu s; en Italien, M ilv îo , N ibblo, Poyana;
en Eipagnol, M ilan o; en Allemand, Weïhe ou Weiher; en Hoiiandois, Wowe; en Anglois,