On trouve cette efpèce en Grèce (g ) , en France dans les
montagnes du Bugey, en Allemagne dans les montagnes de
Siléfie (h) , dans les forêts de Dantzic ( i) & dans les monts
Carpatiens (k) , dans les Pyrénées ( l) & dans les montagnes
d’Irlande B On le trouve auffi dans l’Alie mineure & en
Perfe, car les anciens Perfes avoient, avant les Romains, pris
faigle pour leur enfeigne de guerre; & c’étoit ce grand aigle,
cet aigle doré, aquila fulva qui étoit dédié à Jupiter (n). On
voit auffi par le témoignage des Voyageurs qu’on le trouve en
Arabie (o ), en Mauritanie & dans plufieurs autres provinces
de l’Afrique & de l’Afie jufques en Tartarie, mais point en
Sibérie ni dans le relie du nord de l’Afie. II en eft à peu-près
de même en Europe, car cette efpèce, qui eft par-tout allez
rare, l’eft moins dans nos contrées méridionales que dans les
provinces tempérées, & on ne la trouve plus dans celles de
notre nord au-delà du yy-me degré de latitude : auffi ne 1 a-t-on
pas retrouvé dans l’Amérique feptentrionale, quoiqu’on y trouve
l’aigle commun. Le grand aigle paroît donc être demeure dans
les pays tempérés & chauds de l’ancien continent comme tous
(g ) Ariftot. H ifl. anim. Üb. I X , cap. XXXI r.
■(■h) Schwenckfbld, A v i. f il. pag. 2 1 4 .
( i ) Kle in, Ordo avium, pag. 40.
.. ( k ) Rzaczynsky, A u fl. H iß . nat. P ol. pag. 3 6 0 & 3 6 1 .
( I ) Barrère, Omithol. CialT. I I I , gen. IV , fp. 1 .
(m ) Britißch. Zoolog/, pag. 6 1 .
(n ) Fulvam aquilam Jovis nuntiam. Cicero, de Legibus, lib. II. — * Grata Jovis fiilv a
roflra videbis avis. Ov id. lib. V . — Fulvufque tonantis armiger. Claudian.
(0) Majores (aquilæ) Arabico nomine N efir vocantur. Aquilas docent A fii vulpibus &
' lupis infidiari quibufcum pralium ineunt ; verum ed o fla aquila unguibus dorfum & caput roflro
comprehendunt ut dentibus morderi nequeant. Caterum ß animal dorfum volvat aquila non
deßßit donec vel interimat vel oculos ilü effodiat. Léon Afr. part. I I , pag. 7 6 7 .
les autres animaux auxquels le grand froid eft contraire, & qui
par cette raifon n’ont pu palfer dans le nouveau.
L ’aigle a plufieurs convenances phyfiques & morales avec le
lion; la force, & par conféquent l’empire lur les autres oilèaux
comme le lion lur les quadrupèdes; la magnanimité, ils dédaignent
également les petits animaux & méprilènt leurs infultes;
ce n’eft qu’après avoir été long - temps provoqué par les cris
importuns de la corneille ou de la pie, que l’aigle fe détermine
à les punir de mort ; d’ailleurs, il ne veut d’autre bien que celui
qu’il conquiert, d’autre proie que celle qu’il prend lui-même;
la tempérance, il ne mange prefqüe. jamais fon gibier en entier,
& il lailîè comme le lion les débris & les relies aux autres
animaux. Quelqu’affamé qu’il foit, il ne fe jette jamais fur les
cadavres. II eft encore folitaire comme le lion, habitant d’un
délèrt dont il défend l’entrée & l’ulage de la chalîè à tous les
autres oilèaux-, car il eft peut-être plus rare de voir deux paires
d’aigles dans la même portion de montagne, que deux familles
de lions dans la même partie de forêt; ils fe tiennent allez loin
les uns des autres pour que l’efpace qu’ils fe font:départi leur
foumilîè Une ample fubfiftance ; ils ne comptent la valeur &
l’étendue de leur royaume que par le produit de la chalîè.
L’aigle a de plus les yeux étinceîans & à peu-près de la même
couleur (p) que le lion, les ongles de la même forme, i’haleine
tout auffi forte, le cri également effrayant (q ). Nés tous deux
' (p ) G a tli tharopi. Charopus color qui dilutam habet viriditatem igneo quodam fplendore
intermicantem ; qualem in leonum ocu/is conjpicimus. Calepin. D iflio n .’
( q ) N ota. Nous avons comparé l’aigle au lion, & ie vautour au tigre; or, l’on iàit que
le lion a la tête & le cou couverts d’une belle crinière, & que le tigre les a , pour aiiîfi
dire, nus en comparailôn du lion: il en eft de même du vautour, il a la tête & le cou
dénués de plumes, tandis que l’aigle les a bien garnis & couverts de plûmes.