tranfporte aujourd’hui le nom de glaux au chat-huant, tandis qu’il
appartient de tout temps, c’eft-à-dire, du conlèntement de tous
ceux qui m’ont précédé, à la chouette ou grande chevêche, &
même à la petite chouette ou chevêche proprement dite, comme
à la grande.
Je vais leur expofer les raifons qui m’ont déterminé, & je les
crois allez fondées pour les fatisfàire, & pour éclaircir l’ohfcurité
qui réfulte de leurs doutes & de leurs fàufiês interprétations. De
tous les oifeaux de nuit dont nous avons fait l’énumération, le
chat-huant eft le feuî qui ait les yeux bleuâtres, & la hulotte la
feule qui les ait noirâtres; tous les autres ont l’iris des yeux d’un
jaune couleur d’or, ou du moins couleur de làfïan. Or les Grecs
dont j’ai fouvent admiré ia jufteffe de difcemement & la précifion
des idées, par les noms qu’ils ont hnpofés aux objets de la Nature,
& qui font toujours relatifs à leurs caraétères diilinélifs & ftappans,
n’auroient eu aucune ration de donner ie nom glaux ( glaucus)
vert de mer ou bleuâtre, à ceux de ces oifeaux qui n’ont rien de
bleuâtre, & dont les yeux f o n t n o i r e ou o r a n g é s o u jaunes ; &
ils auront avec fondement impofé ce nom à J’efpèce de ces
oifeaux, qui parmi toutes les autres, eft la feule en effet qui ait les
yeux de cette couleur bleuâtre; de même ils n’auront pas appelé
n y ltk o r a x , c'eit-à-dire, corbeau de nuit, des oifeaux qui ayant
les yeux jaunes ou bleus, & ie phunage blanc ou gris, n’ont
aucun rapport au corbeau, & ils auront donné avec jufte raiion
ce nom à la hulotte, qui eft fa feule de tous ces oifeaux noéturnes,
qui ait les yeux noirs & ie plumage auffi prefque noir, & qui de
plus approche & corbeau {lus- qu’aucun autre par & grofléui.
11 y a encore mie raifoa de convenance qui ajoute à la vrai-
fèmbfance de mon interprétation, c’eft que le nyéticorax chez les
Grecs, & même chez les Hébreux, était un oifeau commun
& connu, puifqu’ils en emprurttoient des eomparaifens ( ficut
nyclicorax in domicilia J ; il ne faut pas s’imaginer, comme le
croient la plupart de ces Littérateurs | que ce fut un oifeau fi
folitaire & fi rare, qu’on ne puiflé aujourd’hui en retrouver
l’elpêce : la hulotte eft par-tout affez commune ; c’eft de toutes
les chouettes la plus groflé, la plus noire & la plus femblable au
corbeau: toutes les autres efpèces en font abfoiument différentes;
je crois donc que cette obfervation, tirée de la chofe même, doit
avoir plus de poids que l’autorité de ces Commentateurs, qui ne
connoiffent pas aflêz la Nature, pou>enbien inteipréter l’hiftoire.
Or le glaux étant le dut-huant, ou fi l’on veut, la chouette
aux yeux bleuâtres, & lé ny&icorax étant la hulotte ou chouette
aux yeux noirs, l'oegolios ne peut être autre que la chouette aux
yeux jaunes ; ceci mérite encore quelque difeuffion.
Théodore Gaza traduit le mot nyilicorax, d’abord par Ci-
cuma, enfuite par. ulula, & enfin par cicuma; -cette dernière
hïtcrprcttitrure xx c/l viaiiomMaLiement qu Une faute des Gopiftcs,
qui de cicuma ont fait cicunia; car Feftus avant Gaza, âvoit
également traduit nyélicarax par cicuma, & Ifidore par cecuma,
& quelques autres par cecua: c’eft même à ces noms qu'on
pourrait rapporter l’étymologie des mots ryeta en ïvdms^^chouetie
en françois: fi Gaza eût fait attention aux caraétères du nyéli-
corax, 3 s’en feroit tenu à là féconde interprétation ulxda, & 3
n’eût pas fait double emploi de ce terme, car 3 eût alors traduit
tegolios par cicuma ; il me parole donc par cet examen eomparé
de ces différens objets & par ces raifons critiques, que le glaux
eft le chat-huant, le nyélicorax la hulotte, & l’cegolios la chouette
ou grande chevêche.