2 6 6 H i s t o i r e N a t u r e l l e
digère la Sibilance cbamue, vomit le poil (d ), les os & la peau
eri pelotes arrondies ; il mange auffi les chauve-fouris, les ferpens,
les lézards, les crapauds, les grenouilles, & en nourrit Ses petits :
il chaiTe alors avec tant d’aélivité, que Son nid regorge de pro-
vifions; il en ralîëmble plus qu’aucun autre oilèau de proie.
On garde ces oifeaux dans les ménageries à caufe de léur
figure fîngulière; l’elpècé n’en ell pas auffi nombreufe en France
que celle des aiitres hiboux, & il n’efl pas fur qu’ils relient au
pays toute l'année, ils y nichéfit cependant quelquefois fur des
arbres creux, & plus fouvent dans des cavernes de rochers, ou
dans des trous de hautes & vieilles murailles; leur nid a près de
trois pieds de diamètre,' & ell cornpole de petites branches de
bois fec entrelàfleéS de racines fouples, & garni de feuilles en
dedans: on ne troüve fouvent qu’un oeuf ou deux dans ce nid,
& rarement trois ; la couleur de ces oeufs tire un peu fur celle
du plumage de l’oifeau ; leur grolïèur excède celle des oeufs de
poule: les petits font très-voraces, & les pères & mères très-
habiles à la chaffe qu’ils font dans le filence, & avec beaucoup
plus de légèreté que leur groife corpulence ne paroît le permettre;
fouvent ils fe battent avec les bufes, & font ordinairement
(d ) J'ai eu deux fo is, dit M . Frifoh, des grands Ducs vivans, & je les ai confervés
long-temps ; je les nourrilîbis de chair & de foie de boeuf-, dont ils avaloient fouvent de
fort gros morceaux ; lorfqu’on jetoit des fouris à cet oilèau, il leur brifoit les côtes & ies
autres os avec fon b e c , puis il ies avaloit l’une après l'autre, quelquefois julqu’à cinq de
foite ; au bout de quelques heures, lés poils & les os lè raflèmbloient, fe peiotonnoient dans
fon eilomac par petites mafiès, après quoi il les ramenoit en haut, & les rejetait par le
bec; au défaut d’autre pâture, il mangeoit toute forte de poiffons de rivière, petits &
moyens, & après avoir de même brifé & pelotonné ies arêtes dans fon eftomac¿-il les
ramenoit le long de fon cou, & les rejetait par le bec : i l ne vouloit point du tout boire ;
ce que fai oblèrvé de même de quelques oifeaux de. proie diurnes. N ota. Qu’à la vérité
ces oifeaux peuvent le paflèr de boire, mais que cependant, quand ils font à portée, ils
boivent, en lè cachant. Voyei Jur cela ta rticle du jean-ie-blanc.
D U Duc O U G R A N D D uc. 2 6 7
les plus forts & lés maîtres de la proie qu’ils leur enlèvent; ils
fupportent plus aifément la lumière du jour que les autres Oifeaux
de nuit , car ils fortent de meilleure heure le foir & rentrent plus
tard le matin: on voit quelquefois le duc aflàilli par des troupes
de corneilles qui le lùivent au vol & l’environnent par milliers;
il foutient leur choc f e j , poulie des cris plus forts qu’elles,' &
finit par les difperfer & fouvent par en prendre quelqu’une lorfque
la lumière du jour baille ; quoiqu’ils aient les ailes plusjcourtes
que la plupart des oifeaux de haut vol, ils rte jaiflent pas. de
s’élever allez haut, fur-tout à l’heure du_t*épalcule; mais ordinairement
ils ne volent que bas iSc Û de petites diftances dans les
autres heures du jour: on du duc dans la fauconnerie pour
attirer le milan ; on «tache au duc une queue de renard, pour
rendre fa figure encore plus extraordinaire; il vole à fleur de
terre, & fe.pofe dans la campagne, fans fe percher lùr aucun
arbre; le milan qui l’aperçoit de loin, arrive & s’approche du
duc, non pas pour le combattre ou l’attaquer, mais comme pour
l’admirer, & il le tient auprès de lui aflëz long-temps pour fe
lailfer tirer par le chalfeur, ou prendre par les oifeaux de proie
qu’on lâche à fa pourfuite : la plupart des faifandiers tiennent
auffi dans leur faifanderie un duc qu’ils mettent toujours en cage
lur des juchoirs dans un lieu découvert , afin que les corbeaux &
les corneilles s’alfemblènt autour de lui, & qu’on puilfe tirer &
tuer un plus grand nombre de ces oifeaux criards qui inquiètent
beaucoup les jeunes failàns ; & pour ne pas eflrayer les failàns,
on tire les corneilles avec une farbacane ( f ) .
(e ) Fortiflima avis fa p iu s vàlde tumultuatut ititer millenarii numen comices. Klein, A v i.
pag. 54. & fui vantes.
( f ) Vo yez Frifch, à l’article du grand Duc'.