C ’eft donc fins connoiflànce & fans réflexion, que quelques
Naturaliftes (iJ ont divifé les genres des oifeaux par leur manière
de vivre; cette idée eût été plus applicable aux quadrupèdes,
parce que leur goût étant plus vif & plus fenfible, leurs appétits
font plus décidés, quoique l’on puilfe dire avec raifon des quadrupèdes
comme des oifeaux, que la plupart de ceux qui fe
nourriflent de plantes ou d’autres alimens maigres, pourraient
auflî manger de la chair. Nous voyons les poules, les dindons &
les autres oifeaux qu’on appelle granivores, rechercher les vers,
les infeéies, les parcelles de viande, encore plus foigneufement
qu’ils ne cherchent les graines; on nourrit avec de la chair hachée
le roflignol qui ne vit que dmfeéles; les chouettes qui font
( z ) N ota. M . Frifch, ¿ont l’ouvrage ett d’ailleurs tres-recommandabfe à beaucoup
d’égards * , divife tous les oifeaux en douze ciaffes, dont la première comprend les fa its
oifeaux à bec court & épa is, ouvrant les graines en Jeux parties égales ; la iêctmde contient
les p etits oifeaux à bec menu, mangeant des mouches & des vers ; la troîfième, les merles
& les griyes ; la quatrième, le s p ic s , coucous, huppes & perroquets ; là cinquième, les
geais & les p ie s ; la fixièmè, les corbeaux ¿ e corneilles ; la feptième, les oifeaux de proie
diurnes ; la huitième, les oifeaux de proie noâumes ; la neuvième, les poules domeftiques
¿Tfauvages ; la dixième , les pigeons Jm g g gm >’ I» «s»®1“ • ***»< “ " ‘" i *
dp autres animaux nageons; ia douzième, le s ttijeâu'x qui a im en t'ks' eaux & les terreins
aquatiques. O n voit bien que l'habitude d’ouvrir les graines en deux parties égales ne doit
pas faire ün caraélère, puifque dans cette même daflè il y a des oifeaux, comme les
mélanges, qui ne les ouvrent pas en deux, mais qûi les percent & les déchirent; que
d’ailleurs tous les oifeaux. de cette première cialfe, qui font fuppofés . ne fe nourrir que de
graines, mangent auffi des infeftes & des vers comme ceux de ia feoende : il valoir donc
mieux réunir ces deux clalïês en une, comme l’a fait M . Linnæus * ; ou bien, M . Frifch,
qui prend pour caraflère de la première claife’ cette manière de manger les graines, amrat
dû foire en cônféquence une clafiè particulière des mélanges & des autres oiièaux qui les
percent ou les déchirent, & en même temps il riauroit dû foire qu’une feule claflë des
poules & des pigeons qui les avalent également fons les percer ni, les oirvrir en deux; &
n&nmoins il feit des poules & des pigeons deux claflès féparées.
* Hilloire des Oifeaux, avec des planches coloriées, par M . Fjilch, en Allemand, deux volumes ùrfdio,
imprimés à Berlin en 17 3 6 .
• * Linn. Syft. nat. «Et. X , tome 1, page 85.
naturellement carnaiïières, mais qui ne peuvent attraper îa nuit
que des chauve-fouris > rabattent fur les papillons-phalènes qui
volent auffi dans fobfcurité : le bec crochu n’eft pas, comme le
difent les gens amoureux des caufes finales, un indice, un fîgne
certain d’un appétit décidé pour la chair, puiique les perroquets
& plufieurs autres oifeaux dont le bec eft crochu, femblent préférer
les fruits & les graines à la chair; ceux qui font les plus
voraces, les plus camaflïers, mangent du poiflon, des crapauds,
des reptiles forfque la chair leur manque. Prefque tous les oiièaux
qui paroiifent ne vivre que de graines, ont néanmoins été nourris
dans le premier âge par leurs pères & mères avec des infeéies.
Ainfî rien n’eft plus gramit & moins fondé que cette divifion
des oifeaux, tirée de leur manière de vivre, ou de ia différence
de leur nourriture; jamais oh ne déterminera ia nature d’un être
par un foui caraélère ou par une feule habitude naturelle, il faut
au moins en réunir plufieurs, car plus les caraélères feront nombreux,
& moins la méthode aura d’imperfeétion; mais, comme
nous l’avons tant dit & répété, rien ne peut la rendre complète
ijue l’hiftoire & ia deicription de chaque eipèce en particulier.
Comme la maftication manque aux oifeaux, que le bec ne
repréiènte qu’à certains égards la mâchoire des quadrupèdes; que
même il ne peut fuppléer que très-imparfaitement à l’office des
dents ( a ) , qu’ils font forcés d’avaler les graines entières ou à
demi-concaifées, & qu’ils ne peuvent les broyer avec le , bec,
ils n’auroient pu les digérer, ni par conféquent iè nourrir, fi
leur eftomac eût été conformé comme celui des animaux qui
( a ) ■ Dans les perroquets & dans beaucoup d’autres oiièaux, la partie lùpérieure du bec
eft mobile comme l’inférieure; au lieu que dans les animaux quadrupèdes il n’y a que la
mâchoire inférieure qui lbit mobile.