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D i s c o u r s
ont des dents; les oifeaux gravinores ont des géfiers, c’eft-à-dire,
des eftomacs d’une fubitance alTez ferme & alfez folide pour
broyer les alimens, à l’aide de quelques petits cailloux qu’ils
avalent; c’eft comme s’ils portoient & plaçoient à chaque fois
des dents dans leur eftomac où i’aétion du broyement & de
la trituration par le frottement (b) eft bien plus grande que dans
les quadrupèdes & même dans les animaux carnafliers qui n’ont
point de géfier, mais un eftomac fouple & affez femblable à
celui des autres animaux : on a obfervé que ce feul frottement
dans le géfier, avoit rayé profondément, & ufé prefque aux
trois quarts plufieurs pièces de monnoie qu’on avoit fait avaler
à une autruche (c).
( b ) D e tous les animaux il n 'y en a point dont la digeffion foit plus favorable au lÿftème
de la trituration, que celle des oilèaux ; leur géfier a toute la force & la direction de fibres
nécefiâires, & les oilèaux voraces qui ne lè donnent pas le loifir de feparer i’écorce dure
des graines qu’ifs prennent pour nourriture, avalent en même temps de petites pierres par
le moyen desquelles leur géfier, en lè contrariant fortement, cafie ces écorces; c’eft-là une
vraie trituration, mais ce n’eft que celle qui dans les autres animaux appartient aux dents ;
feulement die eft tianfpofée dans ceux-ci & remife à leur eftomac, ce qui n’empêche pas
fes liqueurs de diiïoudre les graines dépouillées de leur écorce par le broyement ou frottement
des petites pierres : avant cet eftomac il y a encore une efpèce de poche qui doit y
verlèr une grande quantité de lue blanchâtre, puifque même après la mort de l’animal on
peut l’en exprimer en la preflànt légèrement. M . Helvetius ajoute qu’on trouve quelquefois
dans l’oelbphage du cormoran des poiiïbns à demi-digérés. H iflo ire de lAcadém ie des Sciences,
année 1 7 1 9 > P ‘ 3 7 -
(c) On trouva dans l’eftomac d’une autruche julqu’à ibixante-dix doubles, la plupart
confumés prefque des trois quarts, & rayés par le frottement mutuel & par celui des cailloux,
& non pas par aucune diftblution, parce que quelques-uns de ces doubles qui étoient creux
d’un côté & boflùs de l’autre étoient tellement ufës & luilâns du côté de la bofie, quii
n’y paroiflbit plus rien de la figure de la monnoie qui étoit demi-ufêe & entière de 1 autre ’
côté que la cavité avoit défendu du frottement; il eft certain que cette cavité n’eut pas
garanti le côté où elle étoit de l’aélion d’un elprit diflblvant. Mémoires pour fervir a VHifloire
des anim aux, tome I , pages T jp f r i f o . — U ne piftole d’or d’Efpagne avalée par un
canard, avoit perdu feize grains de fon poids loriqu’ii l’a rendue. Collée. Acad. partie
étrangère, tome V ,p a g e 1 0 y .
s u r l a n a t u r e d e s O i s e a u x . 33
De la même manière que la Nature a donné aux quadrupèdes
qui fréquentent.les»eaux, _ou qui habitent les pays froids, .une
double fourrure & des poils plus ferrés, plus épais; de même
tous les oifeaux aquatiques & ceux des terres du nord, font
pourvus d’une grande quantité de plumes & d’un duyet très-
fin, en forte qu’on peut juger, par cet indicé, de leur pays
natal, & de l’élément auquel ils donnent la préférence. Dans
tous les climats, .les oifeaux d’eau font à peu-près également
garnis de plumes, & ils ont près de la queue des groffes glandes,
des elpèces de réfervoirs d’une matière huileufe dont ils fe fervent
pour luftrër & vernir leurs plumes; ce qui, joint à leur.épaiffeur,
les rend impénétrables à l’eau qui ne peut que glilfer fur leur ,
furface; les oifeaux de terre manquent de ces glandes, ou les.
ont beaucoup plus petites.
Les oifeaux prefque nus, tels que l’autruche, le cafoar, le
dronte, ne fe trouvent que dans les pays chauds; tous ceux des
pays froids font bien fourrés Sa bien couverts; les oifeaux,-de
haut vol. ont befoin de toutes leurs plumes pour réfifter au froid
de la moyenne région de l’air. Lorfqu’on veut empêcher un aigle
de s’élever trop haut,. & de fe perdre à nos.-yeux-, il ne faut
que lui dégarnir le ventre, il devient dès-lors trop fenfible au
froid pour s’élever à cette grande hauteur.
T.ous Jes oifeaux, en général, font fujets à la mue.comme les
quadrupèdes; la plus grande partie de leurs plumes tombent &
fe renouvellent tous les ans, & même les effets de ce changement
font bien plus fenfibles que dans les quadrupèdes ; la plupart des
oifeaux font fouf&ans & malades dans la mue, quelques-uns en
meurent, aucun ne produit dans ce temps; la poule la mieux
nourrie ceflè alors de pondre, la nourriture organique qui
Tome./.