au contraire, perpendiculairement longue dans les chats, & refte
ronde en fe rétréciflànt concentriquement dans les oifeaux de nuit,
dès que l’oeil eft frappé d’une forte lumière ; cette contrailion
prouve évidemment que ces animaux ne voient mal, que parce
qu’ils voient trop bien , puifqu’il ne leur faut qu’une très-petite
quantité de lumière ; au lieu que les autres ont befoin de tout
l’éclat du jour, & voient d’autant mieux qu’il y a plus de lumière :
à plus forte raifon l’orfraie avec fa taie lur la pupille auroit befoin
de plus de lumière qu’aucun autre, s’il n’y avoit pas de com-
penlktionà ce défaut; mais ce qui excufe entièrement Ariftote,
d’avoir placé cet oilèau avec les oifeaux de nuit; c’eft qu’en effet,
il pêche & chaffe la nuit comme le jour ; il voit plus mal que
l’aigle à la grande lumière, il voit peut-être aulfi plus mal que
la chouette dans l’obfcurité ; mais il tire plus de parti, plus de
produit que l’un ou l’autre de cette conformation lingulière de
lès yeux, qui n’appartient qu’à lui, & qui eft aufli différente de
celle des yeux des oiièaux de nuit, que des oilèaux de jour.
Autant j’ai trouvé de vérité dans la plupart des faits rapportés
par Ariftote, dans fon hiftoire des animaux, autant il m’a paru
d’erreurs de fait dans fon Traité de Aiirabilibus ; fouvent même
on y trouve énoncés des faits abfoîument contraires à ceux qu’il
rapporte dans fes autres ouvrages ; en forte que je fuis porté à
croire que ce Traité de Mirabilibus , n’eft point de ce Philo-
ibphe, & qu’on ne le lui auroit pas attribué, fi l’on fe fut donné la
peine d’en comparer les opinions, & fur-tout les faits avec ceux
de fon hiftoire des animaux. Pline, dont le fond de l’ouvrage fiir
l’Hiftoire Naturelle, eft en entier tiré d’Ariftote, n’a donné tant
de faits équivoques ou faux, que parce qu’il les a indifféremment
puiles dans les différens Traités attribués à Ariftote, & qu’il a réuni
les opinions , des Auteurs fubféquenS, la plupart fondés fur des
préjugés populaires : nous pouvons en donner un exemple fans
fortir du fujet que nous traitons. L’on voit qu’Ariftote défigne &
lpécifie parfaitement l’elpèce de l’halioetus ou balbuzard, dans fon
hiftoire des animaux, puifqu’il en fait la cinquième elpèce de lès
aigles, à laquelle il donne des caratftères très-diftinélifr; & l’on
trouve en même temps dans le Traité de Alirabilibus, que
Xhalicetus n’eft d’aucune efpèce, ou plutôt ne fait pas une efpècè:
& Pline, amplifiant cette opinion, dit non-feulement que les
balbuzards (halioeti J n’ont point d’elpèce , & qu’ils proviennent
des mélanges des aigles de différentes efpèces ; mais encore que
ce qui naît des balbuzards ne font point de petits balbuzards, mais
des orfraies, defquels orfraies naijfent, dit-il, des petits vautours,
lefquels, ajoute-t-il encore, produifent des grands vautours qui
n’ont plus la faculté dengendrer ( f ) . Que de . faits incroyables
font compris dans ce paflàge ! que de cholès abfurdes & contre
toute analogie ! car en étendant autant qu’il eft permis ou poffible,
les limites des variations de la.Nature, & en donnant à ce paflàge
lexplication la moins défavorable, fuppofons, pour un inftant, que
les balbuzards ne foient en effet que des métis provenant de l’union
de deux différentes efpèces d’aigles, ils feront féconds-; 'comme le
font les métis de quelques autres oifeaux, & produiront entt’eux des
féconds métis qui pourront remonter à l’elpèce de l’orfraie, fi le
premier-mélange a été de l’orfraie avec un autre aigle : jufque-là
les loix de la Nature ne fe trouvent pas entièrement violées ; mais
dire enlùite que de ces balbuzards devenus orfraies, il provient
( f ) H a lia ti fuum genus non lia ie n t,fe d ex diverfo aqmhnmi coïth nafeuntur: td qu'idem,
quod ex iis natum e fl,-in ojjîfragis genus habet, e qui bu s vultitres progenerantur minores, &
ex iis magni qui omninà non générant. Plin. H ifl. nat, lib. X , cap. I lî. |