du nerf optique, qui recevant plus immédiatement les impreffions
de la lumière, doit dès-lors être plus aifément ébranlé, plus
fenfible qu’il ne l’eft dans les autres animaux, & c’eft cette grande
fenlibilité qui rend la vue des oifeaux bien plus parfaite & beaucoup
plus étendue. Un épervier voit d’en haut, & de vingt
fois plus loin une alouette fur une motte de terre, qu’un homme
ou un chien ne peuvent l’apercevoir. Un milan qui s’élève à Une
hauteur fi grande que nous le perdons de vue, voit de-là les
petits lézards, les mulots, les oifeaux, & choifitceux fur lefquèls
il veut fondre , & cette plus grande étendue dans le lëns de la
vite, eft accompagnée d’une netteté, d’une précifîon tout auffi
grandes, parce que 1 organe étant en même temps très-fouple &
très-fenfible, l’oeil fe renflé ou s’aplatit, fe couvre ou fe découvre,
fe rétrécit ou s’élargit, & prend aifément, promptement
& alternativement toutes les formes néceflàires pour agir & voir
parfaitement à toutes les lumières & à toutes lés diftances.
D ’ailleurs le fens dé la vue étant le feul qui produife les idées
du mouvement, le feul par lequel on puilfe comparer immédiatement
les elpaces parcourus ; & les oifeaux étant, de tous les
animaux, les plus habiles, les plus propres au mouvement, il neft
pas étonnant qu’ils aient en même temps le fens qui lé guide
plus parfait & plus fûr;' ils peuvent parcourir dans un très-petit
percé k iclérotique & k choroïde, fe difatoit & formoît une efpèce d’entonnoir d’une
fublknce lèmbkble à k Tienne; cet entonnoir neft pas ordinairement rond aux oifeaux,
où nous avons preique toujours trouvé l’extrémité du nerf optique apktie & comprimée au-
dedans de l’oe il: de cet entonnoir iortoit une membrane pliiîee, fàiknt comme une bouriè
qui aboutiflbit en pointe. Cette bourfè, qui étoit large de fix lignes par le bas , à 1a lbrtie
du nerf optique, & qui alloit en pointe vers le haut, étoit noire, mais d’un autre noir -
que n’eft celui de la choroïde, qui paraît comme enduite d’une couleur détrempée qui
s’attache aux doigts ; car c’étoit une membrane pénétrée de k couleur, & dont 1a iùrface
étoit folide. Mém-pour ferv irâ l ’H ifi. des animaux, pages iy y & 3 ° 3 -
temps un grand elpace, il faut donc qu’ils en voient l’étendue &
même les limites. Si la Nature, en leur donnant la rapidité du
vol, les eût rendus myopes, ces deux qualités euffent été contraires,
l’oifeau n’auroit jamais ofé fe fervir de là légèreté, ni
prendre un eflor rapide, il n’auroit fait que voltiger lentement,
dans la crainte des chocs & des réfiftances imprévues. La lèule
vîtelfe avec laquelle on voit voler un oifeau, peut indiquer la
portée de là vue, je ne dis pas la portée abfolue, mais relative ;
un oifeau dont le vol eft très-vif, direél & foutenu, voit certainement
plus loin qu’un autre de même forme, qui néanmoins
fe meut plus lentement & plus obliquement; & fi jamais la
Nature a produit des oifeaux à vue courte & à vol très-rapide-,
ces efpèces auront péri par cette contrariété de qualités , dont
l’une non-feulement empêche l’exercice de l’autre, mais expofe
l’individu à des rifques làns nombre, d’où l’on doit préfiimer que
les oifeaux dont le vol eft le plus court & le plus lent, font
ceux auffi dont la vue eft la moins étendue : comme l’on voit,
dans les quadrupèdes, ceux qu’on nomme Parejjeux ( l’unau &
l’aï ) qui ne fe meuvent que lentement, avoir les yeux çouverts
& la vue baflè.
L’idée du mouvement & toutes les autres idées qui l’accompagnent
ou qui en dérivent, telles que celles des vîtelfes relatives,
de la grandeur des elpaces, de la proportion des hauteurs, des
profondeurs & des inégalités des furfaces, font donc plus
nettes, & tiennent plus de place dans la tête de l’oifeau que
dans celle du quadmpède ; & il lèmble que la Nature ait
voulu .nous indiquer cette vérité par la proportion qu’elle a
.mile rentre la grandeur de l’oeil & celle de la tête : car dans
les oifeaux, les yeux font proportionnellement beaucoup plus
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