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grands (e) que dans l’homme & dans les animaux quadrupèdes j
3s font plus grands, plus organifés, puifqu’il y a deux membranes
de plus, ils font donc plus fenfibles; & dès-lors ce fens
de la vue plus étendu, plus diftinct & plus vif dans foifeau que
dans le quadrupède, doit influer en même proportion lùr l’organe
intérieur du fentiment, en forte que I’inilinél des oifeaux fera
par cette première caufe modifié différemment de celui des
quadrupèdes.
Une fécondé caufe qui vient à l’appui de la première, &
qui doit rendre l’inftind de foifeau différent de celui du quadrupède,
c’eft l’élément qu’il habite & qu’il peut parcourir fans
toucher à la terre. L ’oifèau connoît peut-être mieux que l’homme
tous les degrés de la réfiftance de l’air, de fa température à
différentes hauteurs, de fa pefànteur relative, &c. II prévoit
plus que nous, il indiqueroit mieux que nos baromètres & nos
thermomètres les variations, les changemens qui arrivent à cet
élément mobile; mille & mille fois il a éprouvé lès forces contre
celles du vent, & plus fouvent encore il s’en eft aidé pour voler
plus vite & plus loin. L ’aigle en s’élevant au-deflùs des nuages ( f)
( e ) L e globe de l'oeil, dans une aigle femelle, a v o it, dans la plus grande largeur, un
pouce & demi de diamètre; celui du mâle avoit trois lignes de moins. M ém. pour férvir
à f H iß . des animaux, partie I I , page 2 3 7 .— L e globe de l'oeil de l’ibis avoit fix lignes
de diamètre ...............L ’oeil de la cigogne étoit quatre fois plus gros. Idem , partie I I I ,
page 4 8 4 .— L e globe dé l’oe il, dans le cafoar, étoit fort gros à proportion de la cornée,
ayant un pouce & demi de diamètre, & la cornée nayant que trois lignes. Idem, partie I I ,
page 3 / 3 ' . . . • j .
( f ) Nota. On peut démontrer que l’a id e , & les autres oiièaux de haut v o l , s élèvent
à une hauteur fupérieure à celle des nuages, en partant même du milieu d’une plaine, &
làns fuppolër qu’ils gagnent les montagnes qui pourraient leur iêrvir d’échelons ; car, oji
les voit s’élever fi haut qu’ils diiparoiilènt à notre vue. O r , l’on fu t qu’un objet éclairé par
la lumière du jour ne dilparoît à nos yeux qu’à la difiance de trois mille quatre cents
trente-fix fois ion diamètre, & que par conféquent fi l’on lùppoiè I oifeau placé perpendicu-
SUR LA NATURE DES O l S E A U X . 7
peut paifer to u t-à-coup die l’orage dans fe calme, jouir d’un
ciel ferein & d’une lumière pure, tandis que les autres animaux
dans l’ombre font battus de la tempête ; il peut en vingt-quatre
heures changer de climat, & planant au-defîus des différentes
contrées, s’en former un tableau dont l’homme ne peut avoir
d’idée. Nos plans à vue d’oifeau, qui font fi longs, fi difficiles
à faire avec exactitude, ne nous donnent encore que des notions
imparfaites de l’inégalité relative des furfaces qu’ils repréfentent;
foifeau qui a la puiflànce de le placer dans les vrais points de
vue, & de les parcourir promptement & iucceffivement en tout
fens, en voit plus, d’un coup d’oeil, que nous ne pouvons en
eftimer, en juger par nos raiionnemens, même appuyés de toutes
les combinaifons de notre art; & le quadrupède borné, pour
ainfi dire, à la motte de terre fur laquelle il eft né, ne connoît
que fa vallée, là montagne ou fa plaine; il n’a nulle idée de
J’enfemble des furfaces, nulle notion des grandes diftances, nul
defir de les parcourir; & c’eft par cette raifon que les grands
voyages & les migrations font auffi rares parmi les quadrupèdes,
qu’elles font fréquentes dans les oifeaux; ç’eft çe defir, fondé fur
la connoiflànce des lieux éloignés, fur la puiflànce qu’ils fe Tentent
de s’y rendre en peu de temps, fur la notion anticipée des
changemens de fatmofphère, & de l’arrivée des iàifons, qui les
détermine à partir enfemble & d’un commun accord : dès que
les vivres commencent à leur manquer, dès que le froid ou le
chaud les incommodent, ils méditent leur retraite; d’abord ils
femblent fe raflembler de concert pour entraîner leurs petits,
lairement au-deffus de l’homme qui le regarde, & que le diamètre du vol ou l’envergure
de cet oilèau lôit de cinq pieds, il ne peut diiparojtre qu’à la difiance de dix-ièpt mille
cent quatre-vingts pieds ou deux mille huit cents ibixante-trois toiles, ce qui fait une hauteur
bien plus grande que celles des nuages, fur-tout de ceux qui produifent les orages.