leur fait acheter leur vie par des mouvemens qu’on leur commande;
chaque morceau de leur fobfiftance ne leur eft accordé
que pour un fervice rendu: on les attache, on les garotte, on
les affiible, on les prive même de la lumière & de toute nourriture
, pour les rendre plus dépendans, plus dociles, & ajouter
à leur vivacité naturelle l’impétuofité du hefoin (d); mais ils
fervent par néceffité, par habitude & fans attachement; ils demeurent
captifs , fans devenir domeiliques; l’individu feul eft
defquelles on met un anneau, for lequel eft écrit le nom du maître; on y ajoute des ion-
nettes qui fervent à indiquer le lieu où il eft lorfqu’il s’écarte de la chafïè ; ôn le porte
continuellement fur le poing; on l’oblige de veiÜet; .s’^ e f t méchant & qu’il cherche à fe
défendre, on lui plonge la tête dans l’eau; enfin on le "contraint par la faim & par la
laifitude à fe laiifer couvrir la tête d’un chaperon qui lui enveloppe ics yeux; cet exercice
dure fouvent trois jours & trois nuits de foite: il eft rare qu’au bout de ce temps, les. beioins
gui le tourmentent & la privation de la lumière ne lui faffent pas perdre toute idée de
liberté: on juge qu’il a oublié fe fierté naturelle, lorfqu’il fe laiflè aifément couvrir la tête,
& que découvert il feifit le pât ou la viande qu’on a loin de lui préfenter de temps en
temps ; la répétition de ces leçons en aifore peu à peu le foccès ; les belbins étant le principe
de la dépendance, on cherche à les augmenter en lui nétoyant l’eftomac par des
cures ; ce font de petites pelotes de filafïè quon ItSi fait avaler, & qui augmentent fbn
appétit ; on le fetisfeit après l’avoir excité, & la reconnoiiïànce attache loifeau à celui même
qui l’a tourmenté. Encyclopédie, à ïa rticle de la fauconnerie.
(d ) Lorlque les premières leçons ont réulïï, & que loifeau montre de la docilité; on
le porte fur le gazon dans un jardin, là on le découvre, & avec l’aide de la viande, on le
fait feuter de lui-même fur le poing; quand il eft aifuré à cet exercice, on juge qu’il eft
temps de lui donner le v if, & de lui faire connoître le leurre ; c’eft une repréfentation de
proie, un affemblàge de pieds & d’ailes, dont les fauconniers fe fervent pour réclamer les
oifeaux, & fur lequel òri attaché leur viande; il eft important qu’ils (oient non -feulement
accoutumés^ mais affriandés à ce leurré; dès que loifeau a fondu 'deiïïis & qu’il a pris
feulement une beccade, quelques Fauconniers font dans l’ufage de retirer le leurre, mais par
cette méthode on court rifque de rebuter l’oifeau; il eft plus for, lorfqu’il a fait ce qu’ôn
attend de lui, de le paître tout-à-feit, & ce doit être la récomperife de fe docilité; le leurre eft
l’appât qui doit le faire revenir lorlqu’il fera élevé dans les airs, mais il ne fëroît pas iiiffifent
fens la voix dû fauconnier, qui l’avertit de fe tourner de ce côté-là; il faut que ces leçons
foient fouvent répétées. . . . Il feut chercher à bien connoître le caraélère de loifeau, parler
fouvent à celui qui paroît moins attentif à la v o ix , laiifer jeûner celui qui revient moins
efclave, f’efpèce eft toujours libre, toujours également éloignée
de l’empire de l’homme: ce n’eft même qu’avec des peines infinies
qu’on en fait quelques-uns prifonniers, & rien n’eft plus difficile
que d’étudier: leurs moeurs dans l’état de. nature ; comme ils
habitent les ¡rochers les plus efcarpés des plus hautes montagnes,
qu’ils s’approchent très - rarement de terre, qu’ils volent d’une
hauteur & d’une rapidité fans égale; on ne peut avoir que peu
de faits fur leurs habitudes naturelles : on a feulement remarqué
qu’ils choifîffent toujours pour élever leurs petits, les rochers
expofés au midi; qu’ils fe placent dans les trous i l .les anfrac-
tures les plus inacceffibles; qu’ils font ordinairement quatre oeufs,
dans les derniers mois de l’hiver, qu’ils ne couvent pas longtemps,
car les petits font adultes vers le 15 de mai; qu’ils
changent de couleurs fuivant le fexe, f’âge & la mue; que les
femelles font confidérablement plus greffes que les mâles ; que
tous deux jettent des cris perçans, défagréables & prefque continuels
, dans le temps qu’ils chaffent leurs petits pour les dépaïfer,
ce qui fe fait, comme chez les aigles, par la dure neceffite, qui
rompt les liens des familles & de toute fociété, dès qu’il n’y a
avidement au leurre; laiifer auifi veiller plus long-temps celui qui n’eft pas aflèz familier.;
Couvrir fouvent du chaperon celui qui craint ce genre d’affujettiflèment : lorlque la familiarité
& la docilité de l’oifëau font foffifemment confirmées dans un jardin, on le porte en
pleine campagne, mais toujours attaché à la filière, qui eft une ficelle longue dune dixairté
de toifes ; on fe découvre, & en l’apelant à quelques pas de diftance, on lui montre le
leurre, lorfqu’il fond deffus, orfië fert de la viande, & .on lui en laiffe prendre bonne
gorge; pour continuer de l’affurer, le lendemain on la lui montre d’un peu plus loin, &
il parvient enfin à fondre deffos du bout de la filière, c’eft alors qu’il feut feire connoître
& manier plufieurs foisvà l’oifeau le gibier auquel on le deftine; on en conferve de privés
pour cet ufege, cela s’appelle donner Tefcap: c’eft la demiere leçon, mais elle doit fe répéter
jufqu’à ce qu’on foit parfaitement affuré de loifeau : alors on le met hors de filière^, & on
le vole pour lors. Encyclopédie, art. de la fauconnerie.