dans le même lieu fans bouger, & que quand on les force à
en fortir, ils ne peuvent faire que de très-petites courfes, des
vols courts & lents, de peur de fe beurter; les autres oifeaux
qui s’aperçoivent de leur crainte ou de la gêne de leur fituation,
viennent à l’envi les infulter : les mézanges, les pinçons, les
rouge-gorges, ies merles, les geais, les grives, &c. arrivent à
k file : l’oifeau- de nuit perché fur une branche, immobile,
étonné, entend leurs mouvemens, leurs cris qui redoublent fans»
ceflë, parce qu’il n’y répond que par des geiles bas, en tour-
nant fa tête, fes yeux & foïi corps d’un air ridicule ; il fe Iaifle
même aflàillir & frapper, fans le défendre; les plus petits, les
plus foibles de fes ennemi« font les plus ardens à le tourmenter,»
les plus opiniâtres à le huer : «.Vft fur cette efpèce de jeu de»
moquerie ou d’antipathie naturelle, qu’eft fondé le petit art de
la pipée; il fuffit de placer un oifeau nocturne, ou mêmè d’en
contrefaire la voix, pour faire arriver les oifeaux à l’endroit où
l’on a tendu les gluaux (a) : il faut s’y prendre une heure avant
la fin du jour, pour que cette chaflelbit heureufe; car fi l’on
attend plus tard, ces mêmes petits oifeaux qui viennent pendant
le jour provoquer l’oifeau de nuit, avec autant d audace que
d’opiniâtreté, le fuient* & le redoutent dès que I’obfcurité lui .
permet de fe mettre en mouvement, & de déployer Tes
facultés. -
Tout cela doit néanmoins s’entendre avec certaines reftridions
qu’il eft bon d’indiquer, i.° toutes les elpèces de hiboux &
(a) Nota. Cette efpèce de chaiTe étoit connue des Anciens; car Àriftote l’indique clai-.
rement dans les termes fuivans: D ie cotera avicula émues noéluam circimvolant, quods
miran vocatur, advoÎantefque percutiunt. Qua propter eâ ■ eonjlituta avkitlarum généra
varia mtiha capiUnt. Hift. anim. üb. i x , cap. 1 . .
de chouettes, ne font pas également offüfquées par la lumière
du jour; le grand duc voit alfez clair pour voler & fuir à
dallez grandes diftances en plein jour; la chevêche, ou la plus
petite efpèce de chouettes, chaflè, pourliiit & prend des petits
oifeaux long-temps avant le coucher & après le lever du foleil.
Les Voyageurs nous allurent que le grand duc ou hibou de
l’Amérique feptentrionale (b ), prend les gélinottes blanches en
plein jour, & même lorfque la neige en augmente encore k
lumière; Belon dit très-bien dans fon vieux langage (r), que
quiconque prendra garde à la vue de ces oifeaux, ce la trouvera
pas fe imbécille qu’on la crie; paroît que le hibou
commun ou moyen duc voit mal que le fcops ou petit
duc, & que c’eft de tpwAes hiboux celui qui eft le plus
ofîufqué par 1a lumière du jour, comme le font auffi le chat-
huant, l'effraie & 1a hulotte; car on voit les oifeaux s’attrouper
également pour les infulter à 1a pipée; mais avant de donner les
faits qui ont rapport à chaque elpece en particulier, il faut en
préfenter les diftinélions générales.
On peut divilèr en deux genres principaux les oifeaux de
proie; noélurnes, le genre du hibou & celui de 1a chouette, qui
contiennent chacun plufieurs elpèces différentes; le caradère
diftindif de ces deux genres, c’eft que tous les hiboux ont deux
aigrettes de plumes en forme d’oreilles, droites de chaque côté
de k tête (d j, tandis que les chouettes ont 1a tête arrondie fans
(b ) Voyage à la baie de Hudfon, tome 1 ,p a g e j t i .
(c) Belon, H ijl. nat. des O ifeau x, page 1 3 3 . N ota. C ’eft en effet avéc cette reftriélion
qu’on doit entendre ce que difent à cet égard la plupart des Écrivains, '& entr’autres
Schwenckfeld. Noâu perfpicacijjimè vident e s , diu cacutientes. Theriotrop. SU. pag. 308.
(d ) Nota. Ces oiièaux peuvent remuer & faire baiftèr ou élever ces aigrettes de plumes
à volonté.
Tome /„ Sff