4 6 D i s c o u r s , & c.
libres, plus éloigne's que les quadrupèdes, plus indépendans de
l'empire de l'homme, ils font moins troublés dans le cours de
leurs habitudes naturelles; que c’eft par cette raifon qu’ils fe raf-
lèmblent plus volontiers, & que la plupart ont un inftinét décidé
pour la îbciété; qu’étant forcés de s’occuper en commun des
foins de leur famille, & même de travailler d’avance à la conf-
truélion de leur nid, ils prennent un fort attachement l’un pour
l’autre, qui devient leur affedion dominante, & fe répand enfuite
iùr leurs petits ; que ce fentiment doux tempère les paffions violentes
, modère même celle de 1 amour, & fait la chailete, la
pureté de leurs moeurs & la douceur de leur naturel; que quoique
plus riches en fonds d’amour qu’aucun des animaux, 3s dépenfent
à proportion beaucoup moins, rte s’excèdent jamais, & lavent
fitbordonner leurs plaifirs à leurs devoirs; qu’enfin cette clafle
d’êtres légers que la Nature paroît avoir produits dans fa gaieté,
peut néanmoins être regardée comme un peuple férieux, honnête,
dont on a eu raifon de tirer des fables morales, & d’emprunter
des exemples utiles.
47
L E S
OISEAUX DE PROIE.
O n pourrait dire, abfoiument parlant, que prefque tous les
oifoaux vivent de proie, puifque prefque tous recherchent &
prennent les infeétes, les vers & les autres petits animaux vivans ;
mais je n’entends ici par oifoaux de proie, que ceux qui fe
nourriifent de chair & font la guerre aux autres oifoaux; & eh
les comparant aux quadrupèdes camaffiers, je trouve qu’il y en a
proportionnellement beaucoup moins. La tribu des lions, des
tigres, des panthères, onces, léopards, guépards, jaguars, ocelots,
fervals, margais, chats làuvages ou domeftiques; celle des chiens;
des chacals, loups, renards, ilàtis; celle des hyænes, civettes,
zibets, genettes & folîânes; les tribus plus nombreufes encore
des fouines, martes, putois, mouffettes, furets, vanfirs, hermines,
belettes, zibelines, mangouftes, furikates, gloutons, pékans,
vifons, foufliques; & des fatigues, marmofes, cayopollins, tarfiers,
phalangers; celle des rouffettes, rougettes, chauve-fouris, à laquelle
on peut encore ajouter toute la famille des rats, qui trop foibles
pour attaquer les autres fe dévorent eux-mêmes : tout cela forme un
nombre bien plus confidérable que celui des aigles, des vautours,
éperviers, faucons, gerfauts, milans, bufes, creiferelles, émérillons,
ducs, hiboux, chouettes, pie-grièches & corbeaux, qui font les
fouis oifoaux dont l’appétit pour la chair foit bien décidé; &
encore y en a-t-il plufieurs, tels que les milans, les bufes &
les corbeaux, qui fe nourriifent plus volontiers de cadavres que
d’animaux vivans; en forte qu’il n’y a pas une quinzième partie