le voit dans les loups & les renards; îe chevreuil, fur-tout, peut
être,regardé comme ie modèle de la fidélité conjugale: il y a,
au contraire, quelques elpèces d’oifeaux dont la panade ne dure
pas plus long-temps que les befoins de l’amour ( f j ; mais ces
exceptions n’empêchent pas qu’en général, la Nature n’ait donné
plus de confiance en amour aux oifeaux qu’aux quadrupèdes.
Et ce qui prouve encore que ce mariage & ce moral d’amour,
n’eft produit dans les oifeaux que par la néceflïté d’un travail
commun, c’eft que ceux qui ne font point de nid ne le marient
point, & fe mêlent indifféremment : on le voit par l’exemple
familier de nos oifeaux de baffe-cour, le mâle paroît feulement
avoir quelques attentions de plus pour fes femelles, que n’en ont
les quadrupèdes; parce qu’ici la faifon des amours n’eft pas limitée,,
qu’il peut fe fervir plus long-temps de la même femelle, que le
temps des pontes eft plus long, qu’elles font plus fréquentes ; qu’enfin
comme on enlève les oeufs, les temps d’incubation font moins
prefles, & que les femelles ne demandent à couver que quand leurs
puiffances pour la génération fe trouvent amorties & prefque épui-
fées : ajoutez à toutes ces caufes, le peu de befoin que ces oifeaux
domeiüques ont de conftruire un nid pour fe mettre en fureté & fe
fouftraire aux yeux, l’abondance dans laquelle ils vivent, là facilité
de recevoir leur nourriture ou de la trouver toujours au même lieu,
toutes les autres commodités que l’homme leur fournit, qui dif-
penfent ces oifeaux des travaux, des foins & des inquiétudes
que les autres reifentent & partagent en commun; & vous
( f ) Dès que la perdrix rouge femelle couve, le mâle l'abandonne & la laiflê chargée
feule de l'éducation des petits; les mâles qui ont fervi leurs femelles fe raflèmblent en
compagnies & ne prennent plus aucun intérêt à leur progéniture. Cette remarque m’a été
donnée fa r M . le R oy , Lieutenant des C/iaffes d e S a M a jeflé, à Verfallles•.* ,
retrouverez chez eux, fes premiers effets du luxe & les maux de
l’opulence, libertinage & parejje.
Au refte, dans ces oifeaux dont nous avons gâté les moeurs
en les fervant, comme dans ceux qui les ont confervées parce
qu’ils font forcés de travailler enfemhle & de fe fervir eux-mêmes,
le fonds de l’amour phyfique ( c’eft-à-dire, l’étoffe, la fuhflance
qui produit cette fenfation, & en réalife les effets) eft bien plus
grand que dans les animaux quadrupèdes. Un coq fuffit aifément
à douze ou quinze poules, & féconde par un feu! aéle, tous les
oeufs que chacune peut produire en vingt jours (g) ; il pourrait
donc abfolument parlant devenir chaque jour père de trois Cents
enfans. Unè bonne poule peut produire cent oeufs dans une feule
faifon, depuis le printemps jufqu’en automne. Quelle différence
de cette grande multiplication au petit produit de nos quadrupèdes
les plus féconds ! il femble que toute la nourriture qu’on fournit
abondamment à ces oifeaux, fe Convertifîànt en liqueur féminale,
ne ferve qu’à leurs plaifirs, & tourne toute entière au profit de
la propagation ; ce font des elpèces de machines que nous montons,
que noüs arrangeons nous-mêmes pour la multiplication; nous en
augmentons prodigieufement le nombre en les tenant enfemhle;
en les nourriflânt largement & en les dilpenfant de tout travail, de
tous foins, de toute inquiétude poUr les befoins de la vie; car, le
coq & la poule làuvages ne produifent dans l’état naturel qu’autant
que nos perdrix & nos cailles: & quoique de tous les oifeaux,
les gallinacés fbient les plus féconds, leur produit fe réduit à
dix-huit ou vingt oeufs, & leurs amours à une feule faifon torf-
quils font dans l’état de nature: à la vérité, il pourrait y avoir
deux faifons & deux pontes dans des climats plus heureux; comme
■ ( S ) Hîft.' nat. géri. & part, tome I I , pages y y y f r 3 7 ^‘
Tome I. L