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C jE S Oifeaux, quoique petits, quoique délicats de corps &dé
membres , doivent néanmoins par leur courage, par ieur large
bec, fort & crochu; & par leur appétit pour la chair, être mis
au rang des oifeaux de proie, même des plus fiers & des plus
iànguinaires : on eft toujours étonné de voir l’intrépidité avec
laquelle une petite pie-grièche combat contre les pies, les corneilles,
les creflêrelles, tous oifeaux beaucoup plus grands & plus
forts qu’elle ; non-lèulement elle combat pour fe défendre, mais
fouvent elle attaque, & toujours avec avantage, lùr-tout Iorfque
le couple le réunit pour éloigner de leurs petits les oifeaux de
rapine; elles n’attendent pas qu’ils approchent, il iùffit qu’ils paflënt
à leur portée, pour qu’elles aillent au-devant; elles les attaquent
à grands cris, leur font des bleffures crüelles, & les chaifent avec
tant de fureur, qu’ils fuient fouvent fans ofer revenir ; & dans
ce combat inégal contre d’auffi grands ennemis, il eft rare de
les voir fuccomber fous la force, ou fe laifler emporter ; il arrive
feulement quelles tombent quelquefois avec l’oilèau contre lequel
elles fe font accrochées avec tant d’acharnement, que le combat
ne finit que par la chute & la mort de tous deux ; auflï les oifeaux
de proie les plus braves les refpeclent; les milans, les bufès, les
corbeaux paroillènt les craindre & les fuir plutôt que les chercher :
rien dans la Nature ne peint mieux la puifîànce & les droits du
courage, que de voir ce petit oifeau qui n’eft guère plus gros
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