longues , & de couleur d’un brun - roux; il y avoit des bandes
tranfverfales plus brunes fiir la queue; la membrane qui couvre
la baie du bec eft d’un bleu fale; c’eft-là que font placées les
narines. L ’iris des yeux eft d’un beau jaune-citron ou de couleur de
topaze d’orient; les pieds étaient couleur de chair livide, & terne
dans là jeuneifo, & font devenus jaunes, ainiî que la membrane
du bec, en avançant en âge. L intervalle entre les écailles qui recouvrent
la peau des jambes, paroiffoit rougeâtre; en forte que
l’apparence du tout, vu de loin, fembloit être jaune, même dans le
premier âge. Cet oifeau pefoit trois livres fept onces après avoir
mangé; & trois livrés quatre onces, lorfqu’il étoit à jeun.
Le jean-le-blanc s’éloigne encore plus des aigles que tous
les précédais, & il n’a de rapport au pygargue que par fes
jambes dénuées de plumes, & par la blancheur de celles du
croupion & de la queue ; mais il a le corps tout autrement proportionné,
& beaucoup plus gros, relativement à la grandeur,
que ne l'eft celui de l’aigle ou du pygargue : il n’a , comme je
Fai dit, que deux pieds de longueur, depuis le bout du bec
jufqua 1 extrémité des pieds, & cinq pieds d’envergure, mais
avec un diamètre de corps prefqu’auffi grand que celui de l’aigle
commun, qui a plus de deux pieds & demi de longueur, &
plus de fept pieds de vol. Par ces proportions, le jean-le-blanc
fe rapproche du balbuzard, qui a les ailes courtes à proportion
du corps, mais ü n’a pas comme celui-ci les pieds bleus; il a
auffi les jambes bien plus menues, & plus longues à proportion
qu'aucun des aigles; ainfi quoiqu’il paroiflè tenir quelque
ehofe des aigles, du pygargue & du balbuzard, il n’eft pas
moins d’une efpèce particulière, & très - différente des uns &
des autres. Il tient auffi de la bufe par la diipofition des couleurs
du plumage, & par un caraéière qui m’a fouvent frappé; c’eft
que dans de certaines attitudes, & lùr-toüt, vu de face, il ref-
fembloit à l’aigle ; & que vu de côté & dans d’autres attitudes’,
il rêifembloit à la bufe. Cette même remarque a été faite par
mon Deffinateur, & par quelques autres perfonnes ; & il eft
fingulièr que cette ambiguité de figure réponde à 1 ambiguité
de fon naturel , qui tient en effet de celui de l’aigle & de
celui dê la bufe ; en forte qu’on doit à certains égards regarder
le jeân-le-blanC, comme formant la nuance intermédiaire entre
Ces deux genres d’oifeaux.
II m’a paru que cet oifeau voyoit très-clair pendant le jour,
& ne craignoit pas la plus forte lumière, car il tournoit volontiers
les yeux du côté du plus grand jour, & même Vis-à-vis lè
foleil : il couroit alfez vite ïorfqu’on ï’effrayoit, & s’aidoit de fes
ailes en courant ; quand on le gardoit dans la chambre, il cherchoit
à s’approcha du feu, mais cependant le froid ne lui était pas
abfolument contraire, parce qu’on l’a fait coucher pendant plufieurs
nuits â l’air , dans un temps de gelée, fans qu’il en ait paru
incommodé. On le nourriffoit avec de la viande crue & làignahte;
mais en le faifant jeûner, il mangeoit auffi de la viande cuite:
il déchirait avec fon bec la chair qu’on lui préfentoit, & il en
avaloit d’alfez gros morceaux ; il ne buvoit jamais quand on était
auprès de lui, ni même tant qu’il apercevoit quelqu’un ; mais en
fe mettant dans un lieu couvert ; on l’a vu boire & prendre pour
cela plus de précaution qu’un aâe auffi fimple ne paroît en exiger.
On laiffoit à là portée un vafe rempli d’eau : il commençoit par
regarder de tous côtés fixement & long-temps , comme pour
s’affiirer s’il était feul, enfoite il s’approchoit du vafe, & regardoit
encore autour de lui; enfin,après bien des héfitations, il plongeon