dife froidement que cela n’eft pas contre toute vraifemblance,
puifque je fais, ajoute-t-ii très-pofitivement, qu’il y a des poules
d’eau moitié palmipèdes & moitié fiffipèdes, ce qui eft encore
un autre fait tout auffi feux que le premier.
Au relie, je ne fuis pas furpris qu Ariftote ait appelé cet
oifeau halioetos, aigle de mer; mais je fuis encore étonné que
tous les Naturaüftes anciens & modernes, aient copié.cette dénomination
fens fcrupule, & j’ofe dire fans réflexion ; car Xha-
lioetus ou balbuzard, ne fréquente pas de préférence les côtes
de la mer; on le trouve plus fouvent dans les terres méditer-
ranées voifines des rivières, des étangs & des autres eaux douces;
il eft peut-être plus commun en Bourgogne, qui eft au centre
de la France, que fur aucune de nos côtes maritimes. Comme
la Grèce eft un pays où il n’y a pas beaucoup d’eaux douces,
& que les terres en font traverfées & environnées par la mer
à d allez petites diftances, Ariftote a obfervé dans fon pays que
ces oifeaux pêcheurs cherchoient leur proie fur les rivages de
la mer, & par cette raifon les a nommés aigles de mer: mais
s’il eût habité le milieu de la France ou, de l’Allemagne (f)>
la Suilfe (g) & les autres pays éloignés de la mer où ils font
très-communs, il les. eût plutôt appelés aigles des eaux douces.
Jé fois cette remarque afin de foire fentir que j’ai eu d’autant
plus de saifon de ne pas adopter cette dénomination aigle de
( f ) Hanc agullam (haiiætum) nuper-accepi a nobilï Dom.\ N icolas Z e d liti lu ¡chïldau
quant fervitor ejus bombarda globulo, dum in Bobero pifees venaretur inteifecerat. M ira
pinguedinis avis qua toia pifeium odorem fpirabat.................. non folum circa rtidre moratur,
vemm etiam ad flumina & fa g n a S ilefta noftrd d éfit & arboribus tnfidens pifeibus injîdiatur.
Schwenckfeid, A v i Si/, pag. 2 1 7 .
( g ) Gefner dit que cet*oifeau fe trouve en Suiflè en plufieurs endroits, & qu’il fait
fon nid dans certains rochers près des eaux ou dans des vallées profondes: il ajouté quon
peut i’apprivoiièr & s’en fervir dans la fauconnerie.
mer, & d'y iùbftituer le nom Ipécifique balbuzard, qui empêchera
qu’on ne le confonde avec les aigles (h ). Ariftote allure
que cet oifeau a la vue très-perçante ^ ; il force, dit-il, lès
petits à regarder le foleil, & il tue ceux dont les yeux ne
peuvent en lùpporter Iéclat; ce fait, que je n’ai pu vérifier,
me paroît difficile à croire, quoiqu’il ait été rapporté, ou plutôt '
répété par plufieurs autres Auteurs, & qu’on l’ait même géné-
ralifé en l’attribuant à tous les aigles qui contraignent, dit-on,
leurs petits à regarder fixement le foleil; cette oblèrvation me
paroît bien difficile à faire, & d’ailleurs il me femble qu’Ariftote,
lur le témoignage duquel feul le fait eft fondé, n’étoit pas trop
bien informé au lùjet des petits de cet oifeau; il dit qu’il n’en
élève que deux, & qu’il tue celui qui ne peut regarder le foleil.
Or nous fommes affiirés qu’il pond fouvent quatre oeufs & rarement
moins de trois ; que de plus il élève tous fes petits. Au
lieu d’habiter les rochers efearpés & les hautes montagnes comme
les aigles, il fe tient plus volontiers dans les terres baffes &
marécageufes, à portée des étangs & des lacs poiifonneux; &
il me paroît encore que c’eft à l'orfraie ou oßifrage, & non
pas au balbuzard ou halioetus qu’il fout attribuer ce que dit
Ariftote de là chaflè aux oifeaux Je mer (k ), car le balbuzard
( h ) M . Saleme a fait une méprife en diiànt que l’oifeau appelé en Bourgogne Crau-
pêcherot, eft i’offifrague ou le grand aigle de mer; c’eft au contraire celui qu’il appelle le
faucon d e marais, qui eft le craupêcherot. Voye^ l ’Ornithologie de M . Sa lem e, tn -q .,0
P a ris, 1 7 6 7 , pages 6 & 7 , & corrigez cette erreur.
( i ) A t vero marina ilia (aquila) clarißimd oculorum acte e fl ac pullos adhuc implumes
cogit adverfos intueri fo lem , perçut it eum qui renitet & vertit ad folem ; tutu ci ju s oeuh
lacrymârint hune occidit, reliquum educat. Ariftot. H iß . anim. iib. I X , cap. x x x i v .
( k ) Vagatur hac (aquila) per mare, litto ra , unde nomen acceplt, Vivitque avium mari-
narum venatu. Aggreditur fmgulas. Ariftot. Iib. I X , cap. x x x i v .
s s !
Tome I. J