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des petits vautours qui en procluifent de grands, lefquels ne peuvent
H plus rien produire, c’eft ajouter trois faits abfolument incroyables,
à deux qui font déjà difficiles à croire ; & quoiqu’il y ait dans
Pline bien des chofès écrites légèrement, je ne puis me perfuader
qu’il foit l’auteur de ces trois aflèrtion's, & j’aime mieux croire que
la fin de ce pafïàge a été entièrement altérée. Quoi qu’il en foit,
il eft. très-certain que les orfraies n’ont jamais produit de petits
vautours, ni ces petits vautours bâtards d’autres grands vautours
mulets qui ne produifentplus rien. Chaque elpèce, chaque race de
vautour engendre fon femblable : il en eft de même de chaque
efpèce d’aigle, & encore de même du balbuzard & de l’orfraie ;
& les efpèces intermédiaires qui peuvent avoir été produites par
le mélange des aigles entr’eux, ont formé des races confiantes qui
fe foutiennent & fe perpétuent comme les autres par la génération.
Nous fommes particulièrement très-affurés que le mâle balbuzard
produit avec fà femelle des petits femblables à lui, & que fi les
balbuzards produiiènt des orfraies, ce ne peut être par eux-
mêmes , mais par leur mélange avec l’orfraie : il en fèroit de l’union
du balbuzard mâle avec l’orfraie femelle, comme de celle du bouc
avec la brebis ; il en réfulte un agneau, parce que la brebis
domine dans la génération, & il réfulteroit de l’autre mélange
une orfraie ; parce qu’en général ce font les femelles qui dominent,
H & que d’ordinaire les métis ou mulets féconds remontent à i’elpèce
de la mère, & que même les vrais mulets, c’eft-à-dire les métis inféconds
, repréfentent plus l’elpèce de la femelle que celle du mâle.
' Ce qui rend croyable cette poffibilité du mélange & du produit
du balbuzard & de l’orfraie, c’eft la conformité des appétits,
É du naturel & même de la figure de ces oifeaux; car quoiqu’ils
¡1 diffèrent beaucoup par la grandeur, l’orfraie, étant près d’une
moitié plus groflë qüe le balbuzard, ils fe reflèmbïetlt afîèz
•par les proportions, ayant tous deux les ailes & les jambes
courtes, en comparaiion de la longueur du corps, le bas des
jambes & les pieds dénués de plumes : tous deux'ontle vol moins
élevé, moins rapide que les aigles : tous deux pèchent beaucoup
plus qu’ils ne chaifent, & ne fe tiennent que dans les lieux voifins
des étangs & des eaux abondantes en poiflon : tous deux font
aflèz communs en France & dans les autres pays tempérés; mais
à la vérité l’orfraie, comme plus grande, ne pond que deux oeufs,
& le balbuzard en produit quatre (g ) ; celui-ci a la peau qui recouvre
la bafè du bec & les pieds ordinairement bleus ; au lieu que
dans l’orfraie, cette peau de la bafe du bec & les écailles du bas
des jambes & des pieds font ordinairement d’un jaune vif & foncé;
Il y a auffi quelque diverfîté dans la diftribution des couleurs fur
le plumage ; mais toutes ces petites différences n’empêchent pas que
ces oifeaux ne foient d’efpèces aflèz voifines pour pouvoir fe mêler;
& des raifons d’analogie me perfùadent que le mélange eft fécond,
& que le balbuzard mâle produit avec l’orfraie femelle des orfraies ;
mais que la femelle balbuzard avec l’orfraie mâle produit des
balbuzards, & que ces bâtards, foit orfraies, foit balbuzards, tenant
( g ) L ’aigle de mer, dite orfraie, fait ibn nid fur les plus hauurchênes, & un nid
extrêmement large, où die ne pond que deux oeufs ..fort gros, tout fonds .& très-pefans,»
"d’un blanc-fale. II y a quelques années q u W en'trouva un dans le parc de Chambordj
j’envoyai les deux oeufs à M . de Reaumur ; mais on ne put détacher le nid. L ’année der-s
nièreon en dénicha un nid à Saint-Laurent-des-eaux, (L is le bois de Briou, où il* n y
avoit qu’un aiglon, que le maître de pofte du lieu a fait élever. O n a tué à Bellegarde,
dans la forêt d’Orléans, une orfraie qui pendant la nuit pêchoit tous les plus gros brochets
d’un étang qui appartenoit ci-devant à M . le duc d’Antin. Une autre a été tuée depuis peu
à Seneley-enSologne, dans le moment quelle emportait une groflë carpe en plein jour...*
l e faucon de marais ( balbuzard) habite parmi les rofèaux, le long des eaux; il pond à
chaque fois quatre oeufs blancs, elliptiques Ou ovalaires; il fe nourrit de poiflon. Ornithologie
r Salem e, pages y & y .