
pas auffi grande fur les autres animaux, parce que les uns ont
une nature revêche, impénétrable aux affeâions douces; que
les autres font durs, infenfibles ou trop défians ou trop timides;
que tous jaloux de leur liberté fuient i’homme, & ne le voient
que comme leur tyran ou leur dciirucleiir.
L’homme a moins d’influence fur les oifeaux que fur fes
quadrupèdes, parce que leur nature eft plus éloignée, & quils
font moins fufceptibles des fentimens d’attachement & d’obéif-
fànce; les oifeaux que nous appelons domefiiques, ne font que
prifonniers, ils ne nous rendent aucun fervice pendant leur vie,
ils ne nous font utiles que par leur propagation, c eft* à-dire,
par leur mort; ce font des viélimes que nous multiplions fans
peine, & que nous immolons fans regret & avec finit. Comme
leur inftind diffère de celui des quadrupèdes, & n’a nul rapport
avec le nôtre, nous ne pouvons leur rien inlpirer direélement,
ni même leur communiquer indirectement aucun fentiment relatif,
nous ne pouvons influer que fur la machine, & eux auffi
ne peuvent nous rendre que machinalement ce quils ont reçu
de nous. Un oifèau dont l’oreille eft affez delicate, affèz pre-
dfe pour faifir & retenir une fuite de fons & même de paroles,
& dont la voix eft affez flexible pour les répéter diftinélement,
reçoit ces paroles fans les entendre, & les rend comme il les a
reçues; quoiqu’il articule des mots, il ne parle pas, parce que
cette articulation de mots n’émane pas du principe de la parole, &
n’en eft qu’une imitation qui n’exprime rien de ce qui fe paffe a
l’intérieur de l’animal, & ne repréfente aucune de fes affedions.
L’homme a donc modifié dans les oifeaux quelques puifîànces
phyfiques, quelques qualités extérieures, telles que celles de 1 oreille
& de la voix, mais il a moins influe fur les qualités intérieures.
On en inftruit quelques-uns à chafîèr & même à rapporter leur
gibier; on en apprivoife quelques autres affez pour les rendre
familiers; à Force d’habitude, on les amène au point de s’attacher
à leur prifon, de reconnoître auffi la perfonne qui les foigne;
mais tous ces fentimens font bien légers, bien peu profonds en
comparaifon de ceux que nous tranfmettons aux animaux quadrupèdes,
& que nous leur communiquons avec plus de fuccès
en moins de temps & en plus grande quantité. Quelle comparaifon
y a-t-il entre l’attachement d’un chien & la familiarité
d’un ferin, entre l’intelligence d’un éléphant & celle de l’autruche,
qui néanmoins paroît être le plus grave, le plus réfléchi
des oifeaux, foit parce que l’autruche eft en effet l’éléphant des
oifeaux par la taille, & que le privilège de l’air fenfé eft, dans
les animaux, attaché à la grandeur, foit quêtant moins oifeau
qu’aucun autre, & ne pouvant quitter la terre, elle tienne en
effet de la nature des quadrupèdes!
Maintenant, fi l’on eonfidère la voix des oifeaux, indépendamment
de l’influence de l’homme ; 'que l’on fépare dans le
perroquet, le ferin, le fanfonnet, le merle, les fons qu’ils ont
acquis, de ceux qui leur font naturels; que fur-tout on obferve
les oifeaux libres & folitaires, on reconnoîtra que non-feulement
leur vont fe modifie fuivant leurs affeéfions, mais même qu’elle
s’étend, fe fortifie, s’altère, fe change, s’éteint ou fe renouvelle
félon les circonftancès & le temps : comme la voix eft de toutes
leurs facultés l’une des plus faciles, & dont l’exercice leur coûte
le moins, ils s’en fervent au point de paroître en abufer, & ce
ne font pas les femelles qui ( comme on pourrait le croire )
abufent le plus de cet organe : elles font, dans les oifeaux, bien
plus filencieufes que les mâles; elles jettent, comme eux, des cris