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 CONTR E   L E   TR AN S VA A L 
 Il  y  a  actuellement  les  plus  grandes  probabilités  
 pour qu’une  guerre  n ’éclate  pas  entre  l’Angleterre  et  
 le Transvaal ;  non  pas  que  l’Angleterre  ne  voulut  la  
 faire,  en  prenant  les  premiers prétextes  venus  pour  
 la déclarer, mais  des  difficultés  d’ordre divers  l’empêcheront  
 sans  aucun  doute  de  donner  suite  à  ses  idées  
 de  conquête. 
 D’abord,  la  réprobation  spontanée  qui  éclaterait en  
 Europe,  principalement  en  Allemagne,  et  il  est  probable  
 que  cette  dernière  puissance  ne  permettrait  
 pas  à  l’Angleterre  de  commencer  les  hostilités.  La  
 France  même,  toute  contrainte  à  la  réserve  qu’elle  
 soit,  ne  pourrait  laisser  l’Angleterre  s’implanter  en  
 Afrique  et  devenir  une  menace  constante  pour  notre  
 grande  île  africaine,  Madagascar. 
 En  outre,  en  supposant  que,  profitant  d’un  conflit  
 européen,  l ’Angleterre  commençât  les 'hostilités,  il  
 n ’est  rien  moins  que  prouvé  que  les  Boers  ne  leur  
 infligeraient à nouveau défaites  sur  défaites. 
 On  estime  qu’il  faudrait  au  moins  40.000 hommes  
 de  troupes  anglaises  pour  lutter  avec  chances  de  
 succès  contre  l’armée  transvaalienne  qui,  en  temps  
 de  guerre,  compterait  sans  peine  30.000  Boers,  tous  
 excellents  tireurs. 
 A  part  l ’importance  de  l’entreprise,  il  faut  encore  
 compter  sur  le  climat  qui  ne  permettrait  pas  à  une  
 armée de faire  campagne  pendant  la  saison  d’été. 
 Enfin,  et  chose  la  plus  importante  de  toutes,  il  est  
 presque  certain  que,  au  premier  moment,  tous  les  
 Boers  de  l’Afrique  du  Sud  se  soulèveraient,  sans  
 parler  de  ceux  de  l’État  libre  d’Orange,  allié  au  
 Transvaal  par  un  traité  récent.  Car  tous  les  Boers  du  
 Natal  et  du  Cap  se  souviennent  des  premières  luttes  
 contre  l’occupation  anglaise;  même  les  descendants  
 d’Anglais,  sont  devenus  maintenant Africains  et  veulent  
 rester Africains  avant  tout.  Loin  de  vouloir  une  
 union  plus  intime  avec  l’Angleterre,  ils  désirent  au  
 contraire  une  liberté  de  plus  en  plus  grande,  et  
 certes,  ils  s’opposeront  de  toutes  leurs  forces  au  
 succès  de  l’Angleterre,  succès  dont  le  résultat  serait  
 contraire  à  leurs  désirs  de  prochaine  et  complète  
 indépendance.  De  même,  il  faudrait  compter  avec  
 la  population  commerçante  de  Johannesburg,  Allemands, 
   Français,  Irlandais,  Américains  et  même  de  
 nombreux  Anglais,  qui  ne  demandent  qu’une  chose,  
 la paix et  la liberté de travailler,  et qui  lutteraient  aux  
 côtés  des Boers  contre  l’invasion  anglaise. 
 Telles  sont  les  trois  raisons  importantes  et  constantes  
 qui  tiennent  et  tiendront  toujours  en  échec  le  
 gouvernement  anglais,  s’il  était  assez  faible  et  assez  
 téméraire  pour  se  précipiter  tète  baissée  dans  une  
 aventure terrible  où  il  aurait  à lutter  contre  l’Europe,  
 contre  les Boers  du  Transvaal  et  contre  l’Afrique  du  
 .Sud  tout  entière.