Defcription
d’un cap fin-
gu lier.
Defcription
du cap Forward.
pées ; celles de là terre de Feu paroiflent hachées par plu-
fïeurs détroits. Leur afpeft eft horrible; les montagnes y
font couvertes d’une neige bleue aufli ancienne que le
monde. Entre le cap rond & le capForward il y a quatre
baies , dans lefquelles on peut mouiller.
Deux de ces baies font féparées par un cap dont la Angularité
fixa notre attention & mérite une defcription particulière.
Ce cap élevé de plus de cent-cinquante pieds
au-deflus du niveau de la mer, eft tout entier compofé de
couches horifontales de coquilles pétrifiées. J’ai fondé en
canot au pied de ce monument qui attefte les grands chan-
gemens arrivés à notre globe , & je n’y ai pas trouvé de
fond avec une ligne de cent brafles.
Le vent nous conduifit jufqu’à une lieue & demie du cap
Forward ; alors le calme furvint & dura deux heures. J’en
profitai pour aller dans le petit canot vifiter les environs
du cap Forward ,y prendre des fondes & des relevemens.
Ce cap eft lapointe la plus méridionale de PAmérique& de
tous les continens connus. D’après de bonnes obfervations,
nous avons conclu fa latitude auftrale de 5 4 deg. 5 min.
45 fec. Il préfente une furface à deux têtes d’environ trois
quarts de lieue, dont la tête orientale eft plus élevée que
celle de l’Oueft. La mer eft prefque fans fond fous le cap ;
toutefois entre les deux têtes , dans une efpece de petite
baie'embellie par un ruifleauaffezconfidérable,on pourroit
mouiller par 15 brafles, fond de fable & de gravier; mais
ce mouillage, dangereux par le vent de Sud , ne doit fer-
vir que dans un cas forcé. Tout le cap eft un rocher vif
& taillé à pic , fa cime élevée eft couverte de neige. Il y
croît cependant quelques arbres dont les racines s’étendent
dans les crevafles & s’y .nourriflent d’une étemelle
humidité. Nous avons abordé au-defîous du cap à une petite
pointe dérochés, fur laquelle nous eûmes peine à trouver
place pourquatre perfonnes. Sur ce point qui termine
ou commence un vafte continent, nous arborâmes le pavillon
de notre bateau, & ces antres fauvages retentirent
pour la première fois de plufieurs cris de vive le Roi !
Nous relevâmes de-là le cap Holland à Ouelt 4 deg. Nord;
ainfi la côte commençoit à reprendre du Nord.
Nous revînmes à bord à fix heures du foir, &peu de
tems après , les vents ayant paffé au Sud-Ouéft, je vins
chercher le mouillage de la baie nommée par M. deGen-
nes baie Françoife. A huit heures & demie du foir nous y
jettâmes l’ancre fur 10 brafles, fond de fable & de gravier
, ayant les deux pointes de la baie, l’une au Nord-
Eft - quart - Eft 5 deg. Nord ; l’autre au Sud 5 deg. Oueft,
& l’îlot du milieu au Nord-Eft. Comme nous avions be-
foin de nous munir d’eau & de bois pour la traverfée de
la mer Pacifique, & que le reftedu détroit m’étoitinconnu
, n’étant venu dans mon premier voyage que jufqu’au-
près de la baie Françoife, je me déterminai à y faire nos
provifions, d’autant plus que M. de Gennesla repréfente
comme très-fure & fort commode pour ce travail 3 ainfi
dès le foir même nous mîmes tous nos bateaux à la mer.
Pendant la nuit les vents firent le tour du compas,
foufllant par raffales très-violentes ; la mer groflit & bri-
foit autour de nous fur un banc qui paroifloit régner dans
tout le fond de la baie. Les tours fréquens que les variations
du ventfaifoientfaire au vaifteau fur fon ancre, nous
donnoient lieu de craindre que le cable ne furjaulât, &
nous paffâmes la nuit dans une appréhenfion continuelle.
danMs olua illbaagiee
Françoife.
Avis fiir ce
mouillage.