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me l’eft fans exception celle de tous les Américains, tant
de ceux qui habitent la Zone Torride, que de ceux qui y
naiffent dans les Zones tempérées & glaciales. Quelques-
uns avoient les joues peintes en rouge ; il nous a paru que
leur langue étoit douce » & rien n’annonce en eux un ca-
raftere féroce. Nous n’avons point vu leurs femmes-, peut-
être alloient-elles venir; car ils vouloient toujours que nous
attendiffions, & ils avoient fait partir un des leurs-du côté
d’un grand feu, auprès duquel paroiffoit etre leur camp à
une lieue de l’endroit où nous étions} nous montrant qu il
en alloit arriver quelqu'un.
L’habillement de ces Patagons effc le même à-peu-près
que celui des Indiens de la riviere de la Piata; c’en un {impie
bragué de cuir qui leur couvre les parties-naturelles, &
un grand manteau de peaux de guanaques ou de foüril-
Ibs , attaché autour du corps àvee une ceinture ; il descend
jufqu’aux talons & ils laiffent communément retomber
en arriéré la parde faite pour couvrir les épaules ; de
forte que, malgré la rigueur du climat, ils -font' prefque
toujours-nuds de la ceinture eft haut. L’habitude les a fans
doute rendus’ inïenfiMes- au froid; car quoique nous biffions
ici en été, lé thermomètre de Réaumur n’y avoit
encore monté qu’un foui jour à dix degrés au-deffus de la
congellation. Es ont des efpeces de bottines de cuir de cheval
ouvertes par derrière, & deux ou trois avoient autour
du jarret un cercle de cuivre d’environ deux pouces de largeur.
Quelques-uns de nos Meilleurs ont auffi remarqué
que deux des plus jeunes avoient de ces grains de ralfade
dont on fait des colliers.
Les foules armes que nous leur ayons vues;, font deux
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cailloux tonds attachés aux deux bouts d’un boyau cordonné
, fomblables à ceux dont on fe fort dans toute cette
partie de rAmérique, & que nous avons décrit plus haut.
Ils avoientauffi de petits couteaux de for, dont la lame étoit
épaiffe 'd’un .pouce & demi à deux .pouces. Ces couteaux
de fabrique Angloife leur avoient .vraifomblablement été
donnés par M. Byron. Leurs chevaux, petits & fort maigres,
étaient foliés & bridés à la maniéré des habitans de la
riviere de la Piata. Un Patagon avoit à fa folle des doux
dorés , des étriers de bois recouverts d’une lame de cuivre,
une bride en cuir treffé, enfin tout un harnoisElpa-
gnol. Leur nourriture principale paroît être la moelle &
la chair de guanaques & de vigognes. Plufieurs en avoient
des quartiers attachés fur leurs chevaux, & nous leur en
avons vu manger des morceaux cruds. Ils avoient auffi
avec eux des chiens petits & vilains, lefquels, ainfi que
leurs chevaux, boivent de l’eau de mer , l’eau douce
étant fort rare fur cette côte & même fur le terrein.
Aucun d’eux ne paroiffoit avoir de fupériorité fur les
autres ; ils ne témoignoient même aucune eipece de déférence
pour deux ou trois vieillards qui étoient dans cette
bande. Il eft très-remarquable que plufieurs nous ont dit
les mots Efpagnols fui vans magnatia, muchacho, bueno chi-
co , capiton. Je crois que cette nation mene la même vie
que les Tartares. Errans dans les plaines immenfes de l’A mérique
méridionale, fans cefiè à cheval hommes, femmes
& enfans, fuivant le gibier ou les beftiaux dont ces plaines
font couvertes , fo vêtiffant & fo çabanant avec des
peaux , ils ont encore vraifomblablement avec les Tartares
cette reflemblance, qu’ils vont piller les caravanes des
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