vioris prife. Chaque jour elle nous donnoit un peu de lait.
Les eftomacs affamés dans un inftant d’humeur, la condamnèrent
à mourir ; je n’ai pu que la plaindre , & le
boucher qui la nourriffoit depuis fi long-tems, a arrofé de
fes larmes la viftime qu’il immoloit à notre faim. Un jeune
chien pris dans le détroit de Magellan, eut le même fort
peu de tems après.
Le 17 après midi les couransnous avoient été fi favorables,
que nous avions repris la bordée du Nord-Nord-
E f t , portant fort au vent d’Oueffant & de fes bâtures.
Mais à quatre heures nous eûmes la convièüon que ces
brifans s’étendoient beaucoup plus loin que nous n’avions
penfé ; on en découvroit jufque dans l’Eft-Nord-Eft, fans
que ce fût encore leur fin. Il fallut reprendre pour la nuit
la bordée du Sud-Sud-Oueft, & au jour celle de l’EfL
Pendant toute la matinée du 18 nous ne vîmes point de
terres, & déjà nous nous livrions à l’efpoir d’avoir doublé
îlots & brifans. Notre joie fut courte. A une heure après
midi une île fe'fit voir dans le Nord-Eft-quart-Nord du
compas, &bientôt elle fut fuivie de neuf ou dix autres. Il
y en avoit jufque dans l’Eft-Nord-Eft, & derrière ces îles
une terre plus élevée s’étendoit dans le Nord-Eft, environ
à dix lieues de diflance. Nous louvoyâmes toute la nuit;
le jour fuivant nous donna le même fpeâacle d’une double
chaîne de terres courant à-peu-près Eft & Oueft, fa-
voir au Sud une fuite d’îlots joints par des récifs à fleur
d’eau, dans le Nord defquels s’étendoient des terres plus
élevées. Les terres que nous découvrîmes le 20, nous parurent
prendre moins du Sud, & ne plus courir que fur
FEft-Sud-Eft ; c’étoit un amandement à notre pofition. Je
pris le paru de courir des bords de vingt-quatre heures ;
nous perdions trop à virer plus fouvent, la mer étant extrêmement
groffe, le vent violent & conftamment le même
: d’ailleurs nous étions contraints à faire peu de voiles
pour ménager une mâture caduque & des manoeuvres endommagées,
& nos navires marchoient très-mal, nétant
plus en affiette & n’ayant pas été carénés depuis fi long-
tems.
Nous vîmes la terre le 25 au lever du foleil depuis le
Nord jufqu’au Nord-Nord-Eil ; mais ce n etoit plus une
terre baffe ; on appercevoit au contraire une terre extrêmement
haute & qui paroiffoit fe terminer par un gros
cap. Il étoit vraifembiable qu’elle couroit enfuite fur le
Nord. Nous gouvernâmes tout le jour au Nord-Eft-quart-
Eft & à l’Eft-Nord-Eft, fans voir de terres plus Eft que le
cap que nous doublions avec une fatisfa&ion que je ne
fçaurois dépeindre. Le 26 au matin, le cap étant beaucoup
fous le vent à nous , & ne voyant plus de terres au
vent, il fut enfin permis de mettre la route au Nord-
Nord-Eft. Nous appellâmes ce cap après lequel nous
avions fi long-tems afpiré , le cap de la Délivrance, & le Nous dou-
golfe dont il fait la pointe orientale, le golfe de la Louifiade.
C ’eft une terre que nous avons bien acquis le droit de golfe. . j
nommer. Pendant les quinze jours paffes dans ce golfe,
les courans nous ont affez régulièrement portes dans 1 Eft.
Le 26 & le 27 le vent fut très-grand frais, la mer affreufe,
le tems à grains & fort obfcur. Il ne fut pas poffible de
faire du chemin pendant la nuit.
Nous nous étions élevés environ foixante lieues dans
le Nord depuis le cap de la Délivrance , lorfque le 28 au
matin on découvrit la terre dans le Nord - Oueft à neuf
ou dix lieues de diftance. C’étoient deux îles dont la plus