Lefecreteft
au moment
d’être divulgué
par un accident
imprévu.
tïons, avant que la nouvelle de l’expulfion de la Société
pût y parvenir. Par ce moyen il rempliffoit deux vûes ,
l’une de fe procurer des otages qui l’affureroient de la fidélité
des peuplades, lorfqu’il en retireroit les Jéfuites ; l’autre
, de gagner l’affeêrion des principaux Indiens par les bons
traitemens qu’on leur prodigueroit à Buenos-Aires, & d a-
voir le tems de les inftruire du nouvel état dans lequel ils
entreroient lorfque n’étant plus tenus par la lifiere, ils jouiraient
des mêmes privilèges & de la meme propriété que
les autres fujets du Roi.
Tout avoit été concerté avec le plus profond fecret, &
quoiqu’on eût été furpris de voir arriver un bâtiment d’Ef-
pagne fans autres lettres que celles adreffees au Général,
on étoit fort éloigné d’en foupçonner la caufe. Le moment
de l’exécution générale étoit combiné pour le jour où tous
les courriers auroient eu le tems de fe rendre à leur defti-
nation , & le Gouverneur attendoit cet inftant avec
impatience, lorfque l’arrivée des deux chambekins du
Ro i, ïAnialous & V Aventurera, venant de Cadix, faillit
à rompre toutes fes mefures. Il avoit ordonne au Gouverneur
de Montevideo, au cas qu’il arrivât quelques bâti-
mens d’Europe, de ne pas les laiffer communiquer avec
qui que ce fût, avant que de l’en avoir informé ; mais l’un
de ces deux chambekins s’étant perdu, comme nous l’avons
d it, en entrant dans la riviere, il falloit bien en fau-
ver l’équipage, & lui donner les fecours que fa fituation
exigeoit.
Les deux chambekins étoient fortis d Efpagne depuis
que les Jéfuites y avoient été arrêtés : ainfi l’on ne pouvoit
empêcher que cette nouvelle ne fe répandît. Un officier
de ces bâtimens fut fur le champ envoyé au Marquis de
Bukarely,
Bukarely, & arriva à Buenos-Aires le 9 Juillet à dix heures
du foir. Le Gouverneur ne balança pas : il expédia à
l’inftant à tous les Commandans des Places un ordre d’ouvrir
leurs paquets, & d’en exécuter le contenu avec la
plus grande célérité. A deux heures après-minuit, tous les
courriers étoient partis, & les deux maifons des Jéfuites à
Buenos-Aires invefties, au grand étonnement de cesPeres
qui croyoient rêver, lorfqu’on vint les tirer du fommeil
pour les conffituer prifonniers, & fe faifir de leurs papiers.
Le lendemain, on publia dans la ville un ban qui décer-
noit peine de mort contre ceux qui entretiendraient commerce
avec les Jéfuites, & on y arrêta cinq Négocians qui
vouloient, dit on, leur faire paffer des avis àCordoue.
Les ordres du Roi s’exécutèrent avec la même facilité
dans toutès les villes. Par-tout les Jéfuites furent furpris
fans avoir eu le moindre indice, & on mit la main fur leurs
papiers. On les fit auffitôt partir de leurs différentes maifons,
efcortés par des détachemens de troupes qui avoient
ordre de tirer fur ceux qui chercheraient à s’échapper.
Mais l’on n’eut pas befoin d’en venir à cette extrémité. Ils
témoignèrent la plus parfaite réfignation, s’humiliant fous
lamainquilesfrappoit, & reconnoiffant, difoient-ils, que
leurs péchés avoient mérité le châtiment dont Dieu les pu-
niffoit. Les Jéfuites de Cordoue, au nombre de plus de
cent, arrivèrent à la fin d’Août à la Encenada, où fe rendirent
peu-après ceux de Corrientes, de Buenos-Aires &
de Montevideo. Ils furent auffitôt embarqués, & ce premier
convoi appareilla, comme nous l’avons déjà dit, à
la fin de Septembre. Les autres pendant ce tems, étoient
en chemin pour venir à Buenos-Aires attendre un nouvel
embarquement.
Conduite du
Gouverneur
général.
Les Jéfuites
fdoannts touatrerêslteéss
.villes Efpa-
gnoles.
O