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d’unp , d’un t , ou d’un v , quoiqu’il articule bien ces con-
fonnes quand elles font immédiatement fuivies de voyelles
& que par conféquent il aura bien de la peine à prononcer,
par exemple les fyllabespré, trou, vrai, quoiqu’il
prononce franchement Poutaveri,nom qu’il s’eft donné
lui -même, en voulant prendre celui de Bougainville .■ car
( chofe encore remarquable ) il n’a pû prononcer ce
nom autrement.
Ma conjeélure eft fondée fur ce qu’en l’entendant parler
en fa langue avec M. de Bougainville,-j’ai cru remarquer
qu’il n’employoit jamais deux confonnes confécutivement
ou fans l’interpofition de quelques voyelles ; & fur ce que
dans le Vocabulaire que M. de Bougainville a fait de
cette langue, contenant environ deux cents cinquante
mots, Vocabulaire que M, de la Condamine à qui il l’a
prêté', a eu la complaifance de me communiquer, je n’ai
trouvé que le feul mot taoum’ta (couverture de tête) où il
te rencontre deux confonnes enfemble j encore ne puis-je
pas m’empêcher de foupçonner dans ce mot l’omiffion de
quelque voyelle entre l’m & le t.
La douceur de ce langage eft telle que tous les mots
finiffent par des voyelles, & il falloit bien que cela fût,
ou que pas un ne commençât par des confonnes, car autrement
on entendroit quelquefois deux confonnes de
fuite, ou fans voyelle intermédiaire, entre la fin d’un
mot & le commencement du mot fuivant, & alors je
naîtrais pas-eu occafion de faire la remarque précédente.
Les mots, dans ce Dictionnaire , commencent ou par
des voyelles ou par des confonnes explofives p y t, ou par
la nazale m, je n’y vois que peu de mots qui commencent
par r, & deux feuls qui commencent par n. Je penfe que
ce peut être par erreur que ces mots fe trouvent écrits
de la forte, & qu’il fe peut pareillement qu’il n’y ait
d’autres confonnes initiales dans la langue de Taiti que
les trois fufdites m,p , t , car indépendamment de ce que
j’ai déjà dit par rapport à IV forte, j’ai obfervé que Poutaveri
qui m’a très-bien répété les fyllabes ma,pa, ta, n’a
pû prononcer à beaucoup près fi franchement aucune des
autres fyllabes que je lui ai fait entendre commençant
toujours pat les confonnes -, alors foit qu’il trouvât ou non
de la difficulté à prononcer ces fyllabes, il n’a pas fçu
chercher à les prononcer fans les faire précéder d’une
voyelle, le plus fouvent afpirée,ce qui m’a perfuadé qu’il
ne les a jamais articulés autrement. En effet, s’il y avoit
dans fon île des mots qui commençaffent par les confonnes
des fyllabes na, ra, va, &c. il paroît clair qu’il pronon-
ceroit ces fyllabes avec la même netteté qu’il a fait
ma, pa, ta, c’eft-à-dire fans héfiter ni les faire précéder
d’aucun autre fon. C ’eft par un pareil défaut d’habitude
que IV mouillée, quoiqu’également ufitée & fembla-
blement prononcée en France & en Efpagne dans le
milieu des mots, eft pour l’ordinaire auffi mal-aifée à prononcer
à un François, lorfqu’elle eft initiale , comme
dans ces mots Efpagnols, llamar, llevar, qu’à un Efpa-
gnol lorfqu’elle eft finale, comme dans les mots François
bétail, foleil, cette articulation ne fe trouvant jamais au
commencement d’un mot François ni à la fin d’un mot
Efpagnol.
J’ai trouvé dans plufieurs mots du Vocabulaire Taitien,
des confonnes que Poutaveri n’a pû prononcer oü n’a prononcé
qu’imparfaitement, ce qui me fait penfer qu’on ne
s’en eft fervi en écrivant ces mots que faute d’autres let