20 6 V o y a g e
fe ; nouveau
danger qu’el-
le court.
Départ de
Taiti ; perte
le ciel à forage, nous levâmes notre ancre, filâmes le
cable de celle de l’Etoile , coupâmes un des grêlins & filâmes
les deux autres appareillant fous la mizaine & les
deux huniers pour fortir par lapaffe de l’Eft. Nous laiffâ-
mes les deux chaloupes pour lever les ancres ; & dès que
nous fûmes dehors, j’envoyai les deux canots armés aux
ordres du Chevalier de Suzannet, Enfeigne de la marine,
pour protéger le travail des chaloupes. Nous étions à un
quart de lieue au large & nous commencions à nous féliciter
d’être heureufement fortis d’un mouillage qui nous
avoit caufé de fi vives inquiétudes, lorfque, le vent ayant
ceffé tout d’un coup , la marée & une groffe lame de l’Eft
commencèrent à nous entraîner fur les récifs fous le vent
de la pafie. Le pis-aller des naufrages qui nous avoient
menacés jufqu’ic i, avoit été de paffer nos jours dans une
île embellie de tous les dons delà nature,& de changer les
douceurs de notre patrie contre une vie paifible & exempte
de foins. Mais ici le naufrage fe préfentoit fous un afpeéfplus
cruel; le vaiffeau porté rapidement fur les récifs, n’y eût
pas réfifté deux minutes à la violence de la mer , & quelques
- uns des meilleurs nageurs euffent à peine fauvé
leur vie. J’avois dès le premier inftant du danger rappelle
canots & chaloupes pour nous remorquer. Ils arrivèrent
au moment où , n’étant pas à plus de cinquante toifes du
récif, notre fituation paroiffoit défefpérée, d’autant qu’il
n’y avoit pas à mouiller. Une brife de l’Oueft, qui s’éleva
dans le même inftant, nous rendit l’efpérance : en effet elle
fraîchit peu-à-peu, & à neuf heures du matin nous étions
abfolument hors de danger.
Je renvoyai fur-le-champ les bateaux àla recherche des
ancres, & je reftai à louvoyer pour les attendre. L’aprèsmidi
nous rejoignîmes l’Etoile. A cinq heures du foir notre
chaloupe arrivaayant à bord la groffe ancre & le cable de
l’Etoilequ elle lui porta: notre canot, celui de l’Etoile & fa
chaloupe revinrent peu de tems après ; celle-ci nous rapportait
notre ancre à jet & un grêlin. Quant aux deux autres
ancres à jet, l’approche de la nuit & la fatigue extrême des
matelots ne permirent pas de les lever ce même jour. J’a-
vois d’abord compté m’entretenir la nuit fur les bords &îes
envoyer chercher le lendemain; mais à minuit il fe leva un
grand frais de l’Eft-Nord-Eft, qui me contraignit à embar-
querles bateaux & à faire de la voile pour me tirer dedeffus
la cote. Ainfii un mouillage de neuf jours nous a coûté fix
ancres, perte que nous n’aurions pas effuyée, fi nous euf-
fîons été munis de quelques chaînes de fer. C’eft une précaution
que ne doivent jamais oublier tous les navigateurs
deftinés à de pareils voyages.
Maintenant que les navires font en furete , arrêtons-
nous un inftant pour recevoir les adieux des infulaires.
Dès l’aube du jour lorfqu’ils s’apperçurent que nous mettions
à la voile, Ereti avoit fauté feul dans la première pirogue
qu’il avoit trouvée fur le rivage , 8c s’étoit rendu à
bord. En y arrivant il nous embraffatous-, il nous tenoit
quelques inftans entre les bras vetfant des larmes 8c pa-
roiffant très-affeêfé de notre départ. Peu de tems après, fa
grande pirogue vint à bord chargée de rafraîchiffemens
de toute efpece ; fes femmes étaient dedans 8c avec elles
ce même infulaire qui le premier jour de notre atterrage
étoit venu s’établir à bord de l’Etoile. Ereti fut le prendre
par la main, & il me le préfenta en me faifant entendre
que cet homme dont le nom eft Aotourou , vouloit nous
fuivre , & me priant d’y confentir. Il le préfenta enfuite à
aqvuoen sn oeuf-s y
fuyées.
infRuleagirreest deàs
notre départ.
s’emL’buanr qdu’ee ux avec nous,à la
demande & à
.celle de fa nation.