Sortie du déétant
beau, je réfolus de continuer à faire route à petites
voiles pendant la nuit. Nous ferrâmes les bonetes, &
fîmes les ris dans les huniers. Vers dix heures du foir, le
tems commença à s’embrumer, & le vent renforça tellement
que nous fûmes contraints d’embarquer nos bateaux.
Il plut beaucoup, & la nuit devint fi noire à onze
heures, que nous perdîmes la terre de vûe. Une demi-
heure après, m’eftimant par le travers ducapMundai, je
fis fignal de mettre en panne , ftribord au vent, & nous
paffâmes ainfi le refie de la nuit, éventant ou mafquant,
fuivant que nous nous eftimions trop près de l’une ou de
l’autre côte. Cette nuit a été une des plus critiques de tout
le voyage.
A trois heures & demie l’aube matinale nous découvrit
la terre, & je fis fervir. Nous gouvernâmes à Ouefi-
quart-Nord-Oueft jufqu’à huit heures , & de huit heures
à midi entre l’Oueft-quart-Nord-Ouefi & l’Oueft-Nord-
Ouefi. Le vent étoit toujours à l’Eft petit frais très-brumeux
; de tems en tems nous appercevions quelque partie
de la côte, plus fouvent nous la perdions de vûe tout-à-
fait. Enfin à midi nous eûmes connoiffance du cap des P iliers
& des Evangélijles. On ne voyoit ce s derniers que du
Haut des mâts. A mefure que nous avançions du côté du
cap des Piliers, nous découvrions avec joie un horizon
immenfe qui n’étoit plus borné par les terres, & une grofîe
lame du Oueft nous annonçoit le grand Océan. Le vent
ne refta pas à l’Eft, il paffa à Oueft-Sud-Oueft, & nous
courûmes au Nord-Oueft jufqu’à deux heures & demie
que nous relevâmes le cap des Victoires au Nord-Oueft, &
le cap des Piliers au Sud 3 d Oueft.
Lorfqu’on a dépaffé le cap Mundai, la côte feptentriom
nale fe courbe en arc, & le canal s’ouvre jufqu’à quatre , troît, & def-
cinq & fix lieues de largeur. Je compte environ feize ceue partie,
lieues du cap Mundai au cap des Piliers qui termine la
côte méridionale du détroit. La direction du canal entre
ces deux caps eft le Oueft-quart-Nord-Oueft. La côte du
Sud y eft haute & efcarpée, celle du Nord eft bordée
d’îles & de rochers qui en rendent l’approche dangereufe :
il eft plus prudent de ranger la partie méridionale. Je ne
fçaurois rien dire de plus fur ces dernieres terres ; à peine
les avons-nous vues dans quelques courts intervalles pendant
lefquels la brume nous permettait d’en appercevoir
des portions. La derniere ferre dont on ait la vûe à la côte
du Nord eft le cap des Victoires, lequel paroît être de médiocre
hauteur, ainfi que le capDéJîré qui eft en dehors du
détroit à la terre de F eu, environ à deux lieues dans le Sud-
Oueft du cap des Piliers. La côte entre ces deux caps eft
bordée, à près d’une lieue au large, de plufieurs îlots ou
brifans connus fous le nom des dou^e Apôtres.
Le cap des Piliers eft une terre très-élevée, ou plutôt
une grofîe mafîe de rochers, qui le termine par deux roches
coupées en forme de tours, inclinées fur le Nord-Oueft, &
qui font la pointe du cap. Alix ou fept lieues dans le Nord-
Oueft de ce cap, on voit quatre îlots nommés les Evangélijles
; trois font ras : le quatrième, qui a la figure d’un meu-
ion de foin, eft allez éloigné des autres. Ils font dans le Sud-
Sud-Oueft & à quatre ou cinq lieues du cap des Viftoires.
Pour fortir du détroit, on peut en paffer indifféremment
au Nord ou au Sud ; je confeillerois d’en paffer au Sud, fi
1 on vouloit y rentrer. Il convient aufli alors de ranger la
cote méridionale : celle du Nord eft bordée d’îlots, & pa-
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